Pour ses 20 ans Tanjazz (15/22 septembre 2019) a battu son record d’entrées. Une fréquentation en hausse de 20 % par rapport à 2018 uniquement sur les entrées au Palais des Institutions Italiennes avec plus de 6000 spectateurs du jeudi au dimanche sans parler du public venu nombreux dans les autres lieux gratuits à partir du lundi.
Trois facteurs sont à la clef de ces chiffres en augmentation : l’effet 20 ans, l’effet TGV vendredi et samedi, Casa n’est plus qu’ à 2h10 de Tanger et l’effet rumeur, ce sera peut-être le dernier Tanjazz… Que nenni !
Philippe Lorin, à l’issue de 20 ans de Tanjazz que retenez-vous de cette expérience et quels sont les artistes qui vous ont le plus marqué ?
Au cours de ces 20 ans, j’ai ressenti beaucoup d’excitation, d’adrénaline, d’inconfort, quelques découragements aussi, mais surtout le grand bonheur d’avoir offert au public Tangérois et marocain ce festival de Jazz et de bonne musique pendant toutes ces années.
Je suis heureux aussi d’avoir organisé des scènes publiques gratuites destinées à toutes et tous. Particulièrement cette année au théâtre de verdure de la Mendoubia d’abord parce que c’était un des tout premiers site de Tanjazz et puis parce qu’elle est au cœur de la ville dans un très beau lieu qui a attiré à chaque concert un large public très varié de tangérois et de touristes…
Nous avons également vécu d’autres très beaux moments au Musée de la Kasbah, à la Gare TGV, à Tanger City Mall, à Tabadoul, à l’hôtel Barceló, au Marina Bay Hôtel…
Au niveau artistique, tous les groupes m’ont marqué parce que je les ai choisis… J’ai aimé tous les artistes mais parmi les découvertes j’ai une tendresse particulière pour Cécile Mac Lorin Salvant venue à Tanjazz en 2014 et qui est aujourd’hui une véritable star. Elle fait une carrière extraordinaire. Cécile devait venir pour les 20 ans mais malheureusement les dates ne convenaient pas.
Et parmi les artistes qu’on a reçu, en 2010 Monty Alexander m’a enchanté. Il y a eu aussi Makoto Kuriya et Robin McKelle en 2007, Stacey Kent en 2004, The Wanton Bishops de Beyrouth cette année.
Quelle est la recette pour faire un festival de jazz pérenne à Tanger?
Il m’a fallu beaucoup d’énergie, d’optimisme pour continuer d’y croire d’année en année et m’astreindre à une gestion au rasoir…
A l’origine, Tanjazz est un festival de copains. Au départ beaucoup de groupes sont venus gratuitement comme The Swing Messengers ou The Black Label Swingtet ce sont des musiciens que je connais bien, je pense à Christian Bonnet qui nous a quitté mais qui venait presque chaque année à Tanjazz parce qu’il aimait jouer entre amis et à Tanger particulièrement.
C’est la magie du Jazz, les gars aiment jouer, se retrouver, partager la scène, faire le bœuf. Ils aiment l’ambiance de Tanger. Et puis aussi parce l’organisation du festival gâte les artistes…
Le soutien et la fidélité des sponsors a été déterminante durant toutes ces années comme la Fondation BMCI depuis presque le début, Renault fut un temps, et ces dernières années « La centrale automobile chérifienne » avec ses marques Audi, Volkswagen, Skoda et Bentley…
Notons aussi l’aide précieuse des partenaires institutionnels et médias.
J’ai éprouvé aussi beaucoup de déception de l’indifférence des élus et des entreprises de Tanger sauf Bel, Jacob Delafon qui m’ont soutenu quelques années mais plus maintenant.
Quel est globalement le budget d’un festival comme Tanjazz et que représente la partie artistique?
Tanjazz est un festival de fauchés…
Le budget de Tanjazz est relativement modeste, environ 3,4 à 3,6 millions de DH (340/360000 €), la partie artistique représente environ 1/3 de ce budget.
Il faut donc jouer fin pour réunir un plateau de concerts aussi conséquent avec aussi peu d’argent.
Cette année le budget a été sensiblement plus important, 4 000 000 DH avec l’effet 20 ans et un soutien supplémentaire de l’Office Nationale Marocain du Tourisme et de l’Agence pour le développement et la promotion du Nord que je remercie.
Comment peut-on faire un festival aussi conséquent avec aussi peu de moyens ?
C’est mon talent de programmateur… et mon amour des artistes » dit-il en riant.
Avec les agents d’artistes ce n’est pas toujours facile. Ils sont âpres aux gains, c’est normal.
Alors je me suis souvent adressé directement aux artistes, j’en connaissais pas mal, en jouant sur la corde sensible et en leur disant que dans les pays moins favorisés comme le Maghreb on avait aussi le droit, l’envie d’écouter de la bonne musique et du Jazz. Et qu’ils pouvaient y contribuer en étant raisonnables sur leurs cachets. Je leur vendais aussi la magie et le charme de Tanger auxquels ils ont presque tous succombés.
Dans cette aventure, il faut aussi tracer les groupes de qualité qui restent raisonnables au niveau des coûts comme « The Jive Aces » ou « Shakura S’Aida » qui est amoureuse de Tanger.
Tout cela a été souvent déterminant pour faire venir d’excellents artistes dans de bonnes conditions financières…
Vous avez passé la main à Moulay Hamed Alami, fondateur de Jazzablanca, à quoi ressemblera Tanjazz en 2020?
Il faut surtout le demander à Moulay…
Moulay est une compétence en la matière. Il connaît l’organisation d’un festival, il a du bon sens et de l’expérience, il devrait conserver le format actuel pour l’édition 2020 mais tout cela reste à préciser.
J’ai cru comprendre que vous alliez conserver un rôle dans les prochains Tanjazz ?
J’aurais une mission de directeur artistique et programmateur du festival, ce que je sais faire et ce que je fais depuis 20 ans pour Tanjazz, en plus du reste.
Pour assurer cette mission, je poserai trois questions à Moulay Hamed Alami:
– Combien de groupes tu veux ?
– Combien de concerts ?
– Et quel est ton budget artistique global ?
En fonction de cela, je lui ferai des propositions… Et il tranchera.
L’équipe actuelle de Tanjazz va-t-elle intégrer la nouvelle organisation ?
En dehors des prestataires en matériel, son, prestations techniques, logistiques l’équipe actuelle de Tanjazz est composée de quelques personnes rémunérées et surtout de beaucoup de bénévoles compétents et impliqués que je remercie ardemment. Sans eux, je n’aurais pas pu faire Tanjazz et tenir 20 ans.
Le modèle fonctionne, Tanjazz n’a pas de dettes, l’équipe est là. Alors pour la prochaine édition ce serait bien de s’appuyer sur l’existant. Mais à Moulay de voir…
Quelles seront les dates et les lieux de Tanjazz 2020?
A priori ce sera fin septembre, les dates sont déjà arrêtées du 24 au 27 septembre 2020 et au Palais des institutions italiennes s’il est disponible.
Pour aller dans le sens de l’expérience de la 20e édition, les choses devraient se dérouler sur une semaine avec des lieux annexes comme le Musée, Tanger City Mall, la gare TGV et d’autres…
Philippe Lorin, si deviez résumer votre saga Tanjazz en trois mots ?
En trois mots c’est difficile. Les mots qui me viennent à l’esprit : inconscience, persévérance, efficacité et un quatrième, alegría…
Propos de Philippe Lorin recueillis par Paul Brichet, le 3 octobre 2019
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