La Galerie Artingis organise une exposition de Carol Jarry, artiste peintre vivant et travaillant à Tanger, sur le thème « Le monde de Carol Jarry » du 12 avril au 12 mai 2018.
Carol Jarry a ses pinceaux pour voir. Le ciel s’est arrêté, quelque chose d’immuable. L’impression pourtant qu’ils passent tous ces gens, dans des instants de tendresse intenable, ce qui ne les empêche pas de se croiser. Les femmes sont des dames à la nonchalante gravité. On dirait que les messieurs ont croisé les rois mages, ils se sont assis en tailleur et, ensemble, ils ont joué aux osselets sous la lune. C’était avant. Le temps est comme le sable qui, grain après grain, nous défait. Ou, sans avoir à courir, si le temps prend le rythme des gens c’est pour mieux les enterrer vivants.
C’est pourquoi Carol Jarry peint le vent, l’effort du vent qui voudrait passer à autre chose, sans
y parvenir. Le vent contenu, arrêté, le vent essoufflé par lui-même et qui un instant prend la pose, avant de se recommencer. Les visages sont plutôt ronds, les nuques parfois raides. Les coiffures évoquent des temps et des lieux qu’on ne saurait situer. On est ailleurs, très près d’un rêve. Il y a quelque chose d’un peu salé dans ces peintures. La mer n’est jamais loin, on en entend la lointaine rumeur. La mer est par-dessus les toits.
Ici, la lenteur n’est pas qu’une pose. L’immobilité apparente se vêt de solennité. Avant le bruit et la poussière, avant que la ville ne se transforme en vaste chantier, ville d’inanité où tout ce qui se fait est immédiatement défait…
La vie d’ici est un curieux trompe l’oeil, ou un trompe-la-mort, qui sait ? Quand l’acte de peindre, lui-même, semble avoir conscience qu’il risque de se faire happer, là.
Il y a des motifs dans le fond de certains tableaux. Parfois des tapisseries, ce sont des gammes d’oiseaux aux chants captifs, ce sont des bateaux. D’autres motifs agrémentent les tenues des personnages représentés. Les toilettes fleurissent. L’illusion de la vie qui tend son bec et frappe aux carreaux, illusion d’une fausse insouciance. Les tableaux de Carol Jarry sont indéniablement colorés, une forme d’insouciance noire baigne pourtant son oeuvre. Nous sommes dans le dormant d’un temps en suspens.
Tendre est la couleur, pourrait-on croire, ce qui n’atténue en rien l’âpreté de vivre, au contraire. À y mieux regarder, les couleurs se contredisent et le fond est parfois le sujet. Nous sommes dans une sorte de contre-jour, d’éblouissement sans soleil. Ces personnages qui portent des lunettes noires, sont-ils aveugles ou aveuglés plutôt, et par qui ou par quoi le sont-ils? L’instant et l’éternité se jouent de nous. Comme le jour est obscur !
Jean-Pierre CANNET, écrivain
Exposition à voir chez Artingis
11 rue Khalid Oualid
Tanger
A propos de Carol Jarry
Carol Jarry, artiste peintre, née à Nantes en 1958. Étudie à l’école des Beaux-Arts de Lyon.
Travaille à ses débuts essentiellement la sculpture et le modelage, puis, de voyage en voyage, adapte son travail à différents supports et différentes méthodes tels que les collages, les papiers découpés, la peinture en technique mixte sur papier et sur kraft.
Après Lyon, Bamako, Paris, Casablanca, Malaga et un bref retour à Paris, vit et travaille actuellement à Tanger.
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