Le Maroc a-t-il vraiment la conscience politique et géopolitique de sa puissance maritime? «Il est gâté par la géographie. Il a deux façades, une méditerranéenne et une atlantique. Cette dernière est une autoroute maritime. Mais cela ne se traduit pas dans la pensée stratégique des décideurs», estime Jamal Machrouh, professeur à l’Université Ibn Tofail à Kénitra. C’est ainsi que la mer, sujet d’un colloque international de l’Institut royal des études stratégiques (IRES), ne semble pas représenter une source de puissance géostratégique pour le Maroc. Le premier argument à cette thèse est que l’on a un ensemble de politiques sectorielles telles que Azur et Halieutis, mais qui restent disparates. Ce qui implique la création d’un département ministériel spécifique qui aura pour rôle la conception et l’exécution d’une stratégie nationale globale. La stratégie devrait remédier à l’absence d’une construction navale. «C’était pourtant le cas dans l’histoire comme à l’époque des Almohades quand le Maroc disposait de 400 navires. A Maamoura (devenue aujourd’hui Kénitra), il y avait une véritable industrie navale qui bénéficiait de l’existence de la forêt de la région», ajoute le chercheur. Depuis, les choses ont empiré avec la disparition de la flotte maritime et de l’unique acteur national Comarit-Comanav, en 2015.
Le chercheur trouve aussi que l’armée marocaine est «moyennement» équipée comparée à ses principales concurrentes à l’échelle régionale. «On reste très loin des niveaux d’équipement de l’Espagne ou encore l’Algérie qui, elle, est munie de sous-marins», insiste-t-il. Ce qui nécessite de doter la marine royale des moyens de rétablir l’équilibre des forces, mais également contrer le risque terroriste, en particulier la piraterie maritime et la prolifération d’activités illicites (trafic de drogues et d’armes, migration clandestine…).
Une stratégie globale pour la mer devrait prendre en compte les changements que connaît le monde. D’une part, la prolifération des flux du commerce international se fait essentiellement (90%) par voie maritime. «Il n’y a plus de guerre sur les territoires dans le monde d’aujourd’hui. La compétition entre les pays concerne surtout les ressources maritimes. Tous les Etats sont dans une course effrénée pour l’appropriation des voies maritimes», tient à préciser Machrouh. Le Maroc sera d’ailleurs miné davantage avec la redéfinition des routes maritimes. «Un chemin se fraye dans le grand nord en Arctique. Ce qui aura pour conséquence une marginalisation de l’Atlantique et le Maroc avec», explique le chercheur.
L’autre volet est la formation de ressources humaines. Il s’agira surtout de juristes pour défendre l’intérêt stratégique du Maroc dans les discussions sur la délimitation des frontières maritimes. L’autre enjeu est de s’insérer dans le commerce mondial en reconstituant le chantier naval. «D’autres pays émergents comme le Brésil et la Corée du Sud ont commencé leur insertion dans le commerce international. Pour nous, les chantiers en cours avec Dakhla et Kénitra devront renforcer l’offre», précise le chercheur.
Sauvegarde de l’environnement maritime
La vulnérabilité des espaces littoraux, aggravée par le réchauffement climatique, place la gestion durable de ces espaces au rang des priorités des politiques publiques. En plus du besoin de la mise en œuvre de règlements adéquats, les spécialistes réunis lors du colloque international de l’Institut royal des études stratégiques s’accordent sur la nécessité de la sensibilisation des acteurs concernés.
M. L.
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