Deux jours après l’intervention de Driss Jettou devant la Commission du contrôle des finances publiques à la Chambre des représentants, dans laquelle il a pointé les ratés de la gestion déléguée (voir notre édition du vendredi 27 novembre), le Conseil économique, social et environnemental, a présenté un projet d’avis sur le même sujet.
Le Conseil présidé par Nizar Baraka s’est penché sur ce dossier qui suscite la polémique depuis quelques années, suite à une saisine du président de la Chambre des représentants, datant du 15 avril dernier.
Au niveau des points positifs, le Conseil estime que «la gestion déléguée a contribué à réaliser des avancées sur les plans de l’équipement en infrastructures, du développement des investissements et de l’amélioration de la qualité du service rendu aux usagers». A cela s’ajoute «la professionnalisation des secteurs dans lesquels ont été scellés des contrats de gestion déléguée, favorisant l’émergence d’un secteur privé plus dynamique et plus efficace». Cependant, si le rapport du CESE souligne ces avantages de la pratique de la gestion déléguée au Maroc, il pointe également une série de dysfonctionnements, qui nécessitent une refonte du modèle adopté. Surtout que ces défaillances dans la mise en œuvre ont plombé les résultats escomptés. En effet, le projet d’avis pointe «l’existence de manquements et d’insuffisances de la part des délégataires en termes d’exécution des contrats, à cause du non respect des cahiers des charges». En clair, les délégataires «ne respectent pas leurs engagements d’investissement». Pire, «ils ne s’acquittent pas totalement de leurs obligations de rendre un service public de qualité». Les dysfonctionnements s’étendent à d’autres domaines comme «la gestion du fonds des travaux qui est souvent utilisé à des fins non-conformes à son objet». En effet, dans certains cas, «les participations collectées par les délégataires ne sont pas toujours versées intégralement au fonds». Dans d’autres, «les versements sont souvent réalisés avec des retards par rapport aux délais contractuels».
Le document élaboré par le CESE met également l’accent sur l’existence de conflits d’intérêts, dus notamment au «développement du phénomène de filialisation et d’intégration verticale de certaines activités». Du côté de l’autorité délégante, «les prérogatives du comité de suivi ne sont pas pleinement exercées, notamment en matière d’examen des projets de marchés, de contrats, de conventions». De même, «les services de contrôle ne disposent pas des ressources leur permettant d’assurer leur rôle». D’autant plus que le service permanent de contrôle, «n’est pas totalement indépendant du délégataire».
Globalement, le CESE considère que «le modèle de la gestion déléguée se heurte à des carences importantes en termes de planification et d’expression des besoins par l’autorité délégante». Ceci est dû notamment aux faiblesses des collectivités territoriales, «insuffisamment outillées en compétences et en profils qualifiés». D’ailleurs, le rapport du Conseil de Baraka ne manque pas d’épingler les autorités délégantes. Celles-ci «ne respectent pas souvent leurs engagements, notamment en matière de paiement de leurs dettes dans les délais, ou de mobilisation du foncier nécessaire à la réalisation des investissements».
Choisir le modèle approprié
La refonte du modèle adopté au Maroc dans le domaine de la gestion déléguée passe par une série de mesures législatives mais également opérationnelles. Il s’agit notamment de l’urgence d’adopter la Charte nationale du service public, prévue par l’article 157 de la Constitution. Le CESE appelle également à «introduire l’obligation d’études préalables sur le mode de gestion du service public, afin de choisir le plus approprié, tout en définissant son périmètre d’application, sa durée et ses performances». Il s’agit aussi de «mettre en place une réglementation globale, harmonisée et cohérente de la commande publique», parallèlement à l’élaboration d’études sur l’évolution des besoins et les programmes d’investissements nécessaires à leur réalisation. Et pour éviter les accidents de parcours, le CESE insiste sur la nécessité de «préserver les mécanismes de maintien de l’équilibre financier du contrat de gestion déléguée, en tenant compte de la juste rémunération du délégataire».
M. A. M.
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