« Fuite en avant », pour les uns, « un nouveau moyen de faire pression sur l’Etat », pour les autres…Voilà, globalement, les commentaires que suscitent les dernières évolutions du dossier Samir. L’entreprise, dont l’actionnaire majoritaire Mohamed Hussein Al-Amoudi, n’a pas tenu sa promesse d’augmentation du capital prévue pour le 15 novembre dernier, a recouru à deux mesures: l’arbitrage du Centre international pour le règlement des différents relatifs aux investissements (CIRDI) de la Banque mondiale et la protection du Livre V du code de commerce en déposant un recours auprès du tribunal de commerce de Casablanca.
L’entreprise traîne une dette bancaire et obligataire de plus de 10 milliards de dirhams ainsi que des impayés à l’Administration des douanes estimés à 13 milliards de dirhams. A cela s’ajoutent près de 10 milliards de dirhams vis-à-vis des fournisseurs. Au total, l’ardoise est estimée à 40 milliards de dirhams, soit 81% du budget d’investissement de l’Etat en 2014 (49 milliards de dirhams).
Les recours au tribunal de commerce et au CIRDI ne sont pas jugés incompatibles. « Dans les 15 jours de la constatation de la cessation de paiement, la loi oblige l’entreprise à déposer le bilan et à demander au tribunal l’ouverture d’une procédure collective. L’entreprise peut aussi s’adresser au CIRDI pour demander notamment à l’Etat de remplir ses engagements », explique le Pr Mohamed El Mernissi, spécialiste du droit des affaires.
Généralement, les conventions liant l’Etat à un investisseur étranger prévoient ce genre de clause et ce n’est pas la première fois que ce mécanisme est activé. La Samir tenterait surtout de faire pression pour que les importations des produits pétroliers soient restreintes. L’application des droits d’importations, suspendus depuis l’incendie, a pendant longtemps figuré parmi ses principales revendications.
Avec le dépôt d’une demande au tribunal de commerce de Casablanca, l’entreprise joue une dernière carte. « Le tribunal va examiner cette demande qui peut être acceptée comme rejetée. Un expert sera nommé après les vérifications nécessaires. C’est un dossier sensible, vu les montants en jeu et il pourrait prendre du temps », avertit le Pr El Mernissi. Samir a activé l’article 547 du Livre V du code de commerce qui stipule « que faute d’une délibération de l’assemblée générale à ce sujet (redressement de la situation de l’entreprise), ou s’il a été constaté que, malgré les décisions prises par cette assemblée, la continuité de l’exploitation demeure compromise, le président du tribunal en est informé par le commissaire aux comptes ou par le chef d’entreprise ».
Les difficultés de l’entreprises sont traitées dans le Livre V dont l’article 545 souligne que « l’entreprise est tenue de procéder par elle-même, à travers la prévention interne des difficultés, au redressement permettant la continuité de l’exploitation. A défaut, le président du tribunal intervient à travers la prévention externe ».
Toute une procédure est prévue et permet tant au chef d’entreprise qu’au commissaire aux comptes ainsi qu’au président du tribunal d’agir.. mais rien de tout cela n’a été déclenché à temps
Les signaux sur la fragilité de la santé financière de la Samir étaient visibles. D’ailleurs, à partir de 2011, la communication financière de l’entreprise renvoyait à des articles de loi sans en expliquer la portée, le titre en Bourse perdait de sa valeur… Au moment de la suspension de la cotation, le titre était à 127,8 dirhams, en perte de 47% de sa valeur depuis le début de l’année et sa capitalisation s’élevait à 1,5 milliard de dirhams.
Le feuilleton mouvementé de Samir a démarré avec sa privatisation. « La seule variable qui a prévalu dans l’appel d’offres de la cession de la Samir est le prix d’achat », avait confié Abraham Serfaty dans une interview publiée par L’Economiste en 2002 (cf. L’Economiste n° 1314 du 17/07/2002).
K.M.
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