jeudi 26 novembre 2015

Des promesses de mariage qui tombent à l’eau. Pourtant, c’est avec ces promesses qu’elles se retrouvent enceintes. Et puis rien ne se passe. Le père est en fuite. La famille en état de choc avant le désaveu. Et la société condamne. Qu’y a-t-il de pire au Maroc que d’être une mère célibataire? Rien ni personne ne pardonne. Même en cas de viol ou d’inceste. Il faut dire que le contrôle du groupe s’exerce sur la jeune fille, dont la virginité s’appréhende comme un patrimoine familial. L’honneur, envers et contre tout. La porte de sortie pourrait être l’emploi, mais beaucoup en sont privées. Alors c’est l’impasse. Si l’avortement et l’abandon ont été évités, il reste une mère célibataire dans un pays où la loi punit de prison les relations hors mariage. Avoir un enfant sans mari est donc l’aveu naturel d’une faute. Et même d’un blasphème puisque la religion est la première à s’y opposer. Mais une faute exclusivement réservée à la femme et à son enfant. Car lui aussi paye la facture. En ne portant que le nom de sa mère, en étant marginalisé par l’état civil et en continuant, dans sa vie d’adulte, à voir son identité méprisée.
Heureusement, certaines femmes ont la chance de croiser le chemin d’associations engagées à les aider. Solidarité féminine, fondée par celle que l’on nomme la mère courage, Aicha Chenna, en est une. Depuis 1988, dans ses premiers locaux ouverts à Casablanca, l’association reçoit ces femmes rejetées par leurs familles et la société à cause d’une grossesse illégitime. Sur le millier de dossiers traités chaque année, il peut s’agir de simples conseils, d’un soutien psychologique ou d’une prise en charge complète sur plusieurs années d’une mère et de son enfant. Une goutte d’eau bien sûr, mais nécessaire. A l’accueil ou au téléphone, le personnel de Solidarité féminine voit défiler des jeunes filles analphabètes, des collégiennes ou lycéennes, mais aussi un tout nouveau profil: des étudiantes et des diplômées. Cherchant à retrouver leur dignité, toutes les femmes bénéficiaires s’appuient sur les formations professionnelles, ou sur les cours d’alphabétisation pour certaines, proposés par l’ONG, pendant que leur enfant grandit auprès d’elle dans la crèche de l’association. L’objectif étant bien sûr qu’elles assurent à terme leur autonomie financière. Si l’on demande à Aicha Chenna ce qui a changé depuis qu’elle a commencé à militer dans les années 70, elle répond qu’aujourd’hui, le sujet est au moins mis sur la table, débattu. Pour autant, le mépris que ces femmes inspirent n’a, quant à lui, que peu évolué.
Avec le recul de l’âge du mariage, si la loi concernant l’enfant naturel ne change pas, on peut s’attendre à voir les chiffres de ces naissances progresser, voire exploser. La dernière enquête, menée par l’INSAF, estime à une centaine d’enfants qui naissent quotidiennement de parents non mariés. Sur ces cent enfants, 24 sont sauvagement abandonnés. Dans la rue. Il y a quelques semaines encore, un bébé a été retrouvé vivant, abandonné sur un terrain vague à Casablanca. Un seul exemple. Alors que partout dans le pays, des jeunes mères désœuvrées et définitivement seules n’ont aucune autre issue heureuse que de s’en séparer. Avec toutes les conséquences psychologiques que cette contrainte impose sur leur propre vie et sur celle de leur enfant.

Atteintes à leur liberté

La législation pénale tend à renforcer la protection des femmes contre les violences. Pourtant, tant d’inégalités perdurent. D’abord, la hiérarchisation du viol, qui dépend du statut de la victime. Mariée ou non, vierge ou non vierge, définissent la gravité de l’acte. Le viol conjugal n’étant quant à lui que très peu puni. La vraie punition s’abat sur les relations hors mariage, pourtant consenties. A cela s’ajoute la restriction du droit à l’avortement. Si les femmes issues de milieux aisés peuvent le pratiquer dans des bonnes conditions, celles qui sont issues des milieux défavorisés ont généralement recours à des pratiques obscures menaçant leur santé. Tout est encore une question de pauvreté. Ce qui exclut irrémédiablement du champ des solutions, la très grande majorité des femmes.

Stéphanie JACOB



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