Think Tanger organise « De brique et de broc » vendredi 22 et samedi 23 novembre à l’Atelier Kissaria. Pendant ces deux jours, il s’agit de partager des réflexions politique, sociale et poétique sur la notion d’informel dans la ville à travers l’oeil du photographe Hicham Gardaf et au biais des réflexions de la sociologue et réalisatrice Soraya El Kahlaoui.
Faire la ville à l’envers: une contre histoire de l’informel.
par Soraya El Kahlaoui
Raconter l’histoire des villes se fait rarement à l’envers. Le plus souvent, on aime partir des idées : des grandes théories imaginées par tel architecte, menées par l’autre urbaniste, et magnifiquement orchestrées par tel cerveau politique.
L’histoire des villes se raconte le plus souvent par mensonges, car la réalité déforme toujours les grandes théories gardées sur papier. La réalité, parce que faîtes de bric et de broc, renverse toujours l’endroit. Raconter l’envers, c’est donc parler de ce que l’œil voit sans jamais l’accepter. Au Maroc, comme partout ailleurs, on aime les théories de l’histoire. Casablanca, aurait ainsi été construite par le cerveau enchanté d’Henri Prost, célèbre urbaniste colonial à l’origine de la pensée urbaine ségrégationniste. Puis, elle aurait été contrôlée par la main de fer du Roi Hassan II, avant d’emboîter le pas de la modernité avec le Roi Mohammed VI. Une histoire lissée, au gré des besoins du discours officiel, qui a mis sous silence toutes les innombrables luttes des quartiers populaires, qui sont venues contrecarrer le projet colonial tout d’abord, puis son pendant moderniste appliqué par la bourgeoisie-nationale après l’indépendance. La sociologue Soraya El Kahlaoui n’ira pas très loin dans l’histoire pour raconter notre envers urbain, bien que tirer le fil du pouvoir colonial à rebours enchante toujours les perspectives de l’histoire, mais je s’arrêtera sur une période particulière, pleine de réalités dissimulées parce que pleine de potentialités révolutionnaire.
Durant cette rencontre, elle parlera de la révolution invisible de l’après-2011, celle que l’on a passé sous silence, volontairement pour certains, par ignorance pour les autres, et qui a secoué tout le pays durant une année : la révolution de l’auto-construction. Suivi de la projection de son documentaire « Landless Moroccans”.
Soraya El Kahlaoui est sociologue et réalisatrice, elle a eu son doctorat en sociologie à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales à Paris, sa recherche doctorale vise à analyser les formes de réappropriation de l’espace public dans le cadre du processus de démocratisation engendré au Maroc depuis 2011.
Plus particulièrement, sa recherche consiste à poser un cadre d’analyse politique aux pratiques de conquêtes de l’espace ou de résistances menées par des habitants en situation de lutte pour le droit à l’espace. Parallèlement à sa recherche, Soraya est militante sur les questions de droit à l’espace (droit aux ressources, droit à la terre, droit au logement). C’est dans le cadre de ses actions militantes qu’elle été amené à rencontrer les habitants expulsés des terres de Guich L’Oudaya, situées à Rabat.
Ne ratez pas son Talk « Faire la ville à l’envers: une contre histoire de l’informel » autour des douars auto-construits au Maroc, suivi d’une projection de son film « Landless Moroccans » ce vendredi 22 novembre à 19h !
Interroger l’espace.
par Hicham Gardaf
«Ce qu’il s’agit d’interroger, c’est la brique, le béton, le verre, nos manières de table, nos ustensiles, nos outils, nos emplois du temps, nos rythmes. Interroger ce qui semble avoir cessé à jamais de nous étonner. » nota Georges Perec dans L’infra-ordinaire. Cette observation exhaustive de notre espace de vie que l’on retrouve dans l’oeuvre de Perec, sera mise en exergue au travers des œuvres photographiques d’Hicham Gardaf. Durant cette rencontre, l’artiste présentera son travail réalisé au cours des dix dernières années et discutera de son rapport à la ville de Tanger et à la «quotidienneté». La ville sera interrogée à travers une déambulation autour de nos espaces de vie — tels que la rue, le quartier, les cafés, les parcs, la périphérie — mais aussi autour des pratiques que l’on applique à ces espaces, tels que : habiter, transformer, inventer, s’approprier et surveiller.
Hicham Gardaf est né en 1989 à Tanger. Il vit et travaille entre Tanger et Londres. Dans son travail, il aborde principalement des sujets qui interrogent les mutations et les transformations du paysage contemporain. Si son regard s’exprime pleinement dans la forme photographique, il est souvent prolongé dans des formes expérimentant d’autres rapports à l’image, telles que la vidéo ou l’installation. Ses œuvres ont été exposées, entre autres, au Guest Projects (Londres), à Beit Beirut (Beyrouth), au Musée d’Art Contemporain Africain Al Madden (Marrakech), au Concrete, Alserkal Avenue (Dubaï), à la Bibliothèque nationale de France et à l’Institut du monde arabe (Paris).
Ne ratez pas son Talk « Interroger l’espace » ce samedi 23 novembre à 19h, à l’Atelier Kissaria, où il va présenter son travail réalisé au cours des dix dernières années et discutera de son rapport à la ville de Tanger et à la «quotidienneté» !
Think Tanger – Atelier Kissaria
19 rue Imam Layti – Tanger
Tel +212 644-004616
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