samedi 25 juillet 2020

Joël Alessandra, dessinateur voyageur, a mis des images sur les mots du regretté Lotfi Akalay (décédé fin 2019) qui écrivit il y a 20 ans « Ibn Battouta, prince des voyageurs ».
Trop peu connu en France, Ibn Battûta est l’un des plus grands voyageurs de l’Histoire. Parti pour un pèlerinage à La Mecque en 1325, ce Marco Polo originaire de Tanger, ne rentrera s’installer à Fez que 29 ans plus tard après avoir été explorer les quatre coins du monde, en Afrique, en Espagne, en Inde, aux Maldives et jusqu’en Chine.
Lotfi Akalay et Joël Alessandra se sont associés pour créer l’illusion du carnet de voyage en enchâssements narratifs et aquarelles.tanger-experience - le web magazine de Tanger - Ibn Battouta dernier Akalay-Alessandra
tanger-experience - le web magazine de Tanger - Ibn Battouta dernier Akalay-AlessandraOn connait tous le « Livre des merveilles » qu’écrivit (ou dicta) Marco Polo pour raconter ses voyages au XIIIe siècle. On connait peu, en revanche, le récit des voyages encore plus fabuleux que fit le Marocain Ibn Battûta au XIVe siècle. Ce « chef-d’œuvre pour ceux qui contemplent les splendeurs des villes et les merveilles des voyages », Lofti Akalay en a retracé l’histoire, il y a une vingtaine d’années, dans son ouvrage intitulé « Ibn Battouta, prince des voyageurs ». Joël Alessandra, infatigable globe-trotter lui-même, s’est dit qu’il y avait là un très beau sujet et il avait raison…

Joël Alessandra a donc, en dessinateur voyageur émérite et insatiable, décidé de mettre des images là où il n’y avait que des mots, et, tant qu’à faire, des images là où les mots étaient absents. Il a fort bien fait car ce ne sont pas les tentations graphiques qui manquent pour un illustrateur vivant un carnet de voyage greffé dans la main quand il découvre ces quatre grands voyages : vers Ispahan, d’une part ; puis l’Asie jusqu’à Pékin, d’autre part ; sur la côte est de l’Afrique aussi, sans oublier une boucle africaine via Tombouctou.

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Comme le précise Ali Benmakhiouz en préface, « Ibn Battûta est avant tout un voyageur, quelqu’un qui se déplace de lieu en lieu et qui raconte non seulement ce qu’il observe, mais aussi ce qu’on lui conte ». De fait, ses récits sont probablement nourris de choses inventées au point qu’on l’a accusé d’avoir abondamment fabulé. Il n’en fut pas autrement pour Marco Polo. Ceux qui ne bougent pas pensent d’ailleurs toujours que ceux qui bougent en rajoutent. La sédentarité condamne souvent l’imagination car, quoi qu’on dise, une grande partie de l’Ailleurs est inimaginable. C’est d’ailleurs pour cela qu’on part, pour le mystère, l’imprévu, la dérive…

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Et c’est aussi pour cela qu’on lit. Et c’est encore pour cela qu’on admire des dessins, qu’on vagabonde en les regardant. Alessandra, ses croquis aquarellés ou ses dessins savamment travaillés, nous y invitent à tout instant : un bout d’architecture orientale, une immensité désertique, un vieillard inquiétant, une femme alléchante, une oasis reposante, une ruine éclatante, un boutre, un palmier, une mosquée, un chameau… tout fait rêve. Le voyage est dans chaque trait ; et dans chaque trait, le voyageur.
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On sent bien que Joël Alessandra a refait ses propres voyages en défaisant à sa manière ceux de Battûta. On sent bien qu’il est souvent le vrai et l’unique voyageur dans les pas de l’explorateur marocain. On le sent, on le sait et on en redemande… pour le plaisir de parcourir le monde avec lui ; et avec Battûta. Ce musulman marocain qui veut atteindre La Mecque, qui implore sans compter le seigneur et ne rate aucun lieu saint, ne voyage pas pour imposer sa religion, mais pour découvrir. D’ailleurs, il aurait pu se satisfaire de l’avoir atteinte, mais il n’en est rien. Battûta continuera de voyager bien après, bien plus loin, dans des territoires aux croyances bien différentes pendant 28 ans, cédant volontiers, ce qui le rend plus humain à nos yeux, aux célébrations féminines : femmes libres, femmes esclaves, mariages d’un jour, prostituées d’un soir… jusqu’à ces femmes d’Oman incroyablement libres et ardentes, selon lui.

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Quel dommage que Lofti Akalay, journaliste et écrivain tangérois, comme Battûta, dont Alessandra s’est inspiré pour son travail, n’ait pas eu le bonheur de découvrir cet album achevé et publié, un livre dépaysant s’il en est, sans frontières qui de Tanger à Fez, en passant par Alger, Le Caire, Ispahan, Delhi, Singapour ou Pékin, nous promène ; mieux, nous emmène.

Didier QUELLA-GUYOT  de BD Zoom.com

« Les Voyages d’Ibn Battûta » par Joël Alessandra et Lofti Akalay

Éditions Dupuis (29,50 €)

 

Agenda

Du 01/07/2020 au 31/07/2020

Dans le cadre de la 19e rencontre de la BD et de l’Illustration d’Uzès, la médiathèque d’Uzès organise une exposition de planches et d’aquarelles originales de Joël Alessandra du 1er au 31 Juillet 2020.

Agenda
 


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Entre augmentation frénétique des cas, confinement puis rétropédalage, incendie dans la forêt diplomatique et interdiction de sortir de la ville, la porte d’entrée le plus au nord du continent souffre le martyr. Le point dans une ville devenue, malgré elle, le porte-étendard national d’un virus parti pour durer…

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Hôpital de campagne de la Forêt Diplomatique. Pour les cas légers.

La confusion engendrée, il y a un peu plus d’une semaine, par une décision de bouclage de la ville, puis son annulation quelques heures plus tard, n’aura pas arrangé les choses. Au contraire, elle a contribué à susciter la méfiance dans la ville du Détroit. Et l’interdiction de quitter la ville pour l’Aïd Al Adha, ne fait que renforcer les craintes. Tanger qui, par rapport à sa population, enregistre le taux le plus élevé en matière de propagation du virus, risque-t-elle un effondrement total de son économie avec une population au moral touché, au moment même où la Loi de Finances Rectificative est en train d’être peaufinée ? Éléments…

Progression inquiétante. Les derniers chiffres annoncés par le Ministère de la Santé ce 23 juillet signalent une augmentation des contaminations de 302 cas sur le plan national. Parmi ceux-ci, Tanger à elle seule enregistre 110 cas (109 cas pour toute la région dont 6 à Larache, 2 à Fahs Anjra et 1 à Mdiq-Fnideq). La région se classe ainsi deuxième au niveau national avec 21,52% des cas confirmés, derrière Casablanca (24,39%), sur un total de 18.264 cas. Rien qu’en début de cette semaine, 167 nouveaux cas ont été détectés, et la ville compte, du 13 au 23 juillet, 690 cas en plus. Tanger ne pointe désormais qu’à 525 cas de Casablanca. Rapportés à la population, Tanger présente le plus fort taux de contamination du pays. Depuis 2 à 3 semaines donc, la montée en flèche des cas à Tanger inquiète et fait courir à la ville un risque de psychose générale, avec en toile de fond, une récession économique encore plus sévère. Suffisant pour entraîner une réaction rapide, de la part des autorités afin d’endiguer ce retour en grâce des cas enregistrés.

Confusion. Le dimanche 12 et le lundi 13 juillet auront offert un aperçu de la tension que subissent ceux qui gèrent la situation épidémiologique dans le pays. D’une décision de reconfiner plusieurs quartiers de la ville, après l’apparition de nouveaux foyers épidémiologiques le dimanche, le Ministère de l’Intérieur a étendu cette décision à toute la ville le lundi matin, avec plusieurs mesures restrictives draconiennes. Avant tout bonnement, d’annuler cette dernière décision, à peine quelques heures après. Ce rétropédalage, qui a donné une impression de tâtonnement et de cafouillage, n’aura fait qu’attirer la lumière sur la gestion approximative de cette crise. Depuis lors, la ville est revenue au confinement des quartiers touchés, dans l’esprit même des mesures adoptées au plus fort de la crise sanitaire dans l’ensemble du pays.

Pression sur les lits d’hôpital. Avec l’accélération du nombre de cas confirmés, la pression s’est accentuée sur les hôpitaux dont la capacité en lits d’hospitalisation est faible. Et si les hospitalisations venaient à suivre le rythme de progression du virus, Tanger pourrait se retrouver très rapidement sous une forte pression en matière de soins apportés aux patients.

Hôpital de campagne. L’incendie dans la forêt diplomatique aurait pu l’emporter, tant il s’est arrêté pas si loin des installations. Le feu, qui a éclaté au niveau des domaines forestiers avant de se propager aux régions voisines, a finalement été éteint avant qu’il n’atteigne l’hôpital. Ce dernier, conçu pour recevoir les cas légers de contamination au coronavirus, est doté d’une capacité de 700 lits, pouvant être augmentée au besoin. Depuis son installation il y a plusieurs semaines, cet hôpital de campagne a déjà accueilli plus de 1000 cas confirmés. Il a ainsi permis de relâcher la pression sur les hôpitaux publics qui se sont attelés à prendre en charge les cas graves ou critiques.

Interdiction de sortir de la ville. Dernière évolution en date, les travailleurs à Tanger, notamment dans la zone industrielle, sont interdits de quitter la ville pour regagner leurs familles pour la période de l’Aïd Al Adha. La décision prise par le Wali de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Mohamed Mhidia, a été annoncée à l’issue d’une réunion tenue avec les associations professionnelles, les autorités locales, les organismes sociaux, la Chambre de Commerce, d’Industrie et de Services de la région et Amendis. En ajoutant à cette interdiction que « les chefs d’entreprises assumeront leur responsabilité en cas de délivrance d’une quelconque autorisation », Adil Rais, président de la CGEM Tanger-Tétouan-Al Hoceima, veut mettre ceux-ci devant leur responsabilité. Elevant de fait l’urgence autour de la situation de cette ville.

Colère et incompréhension. À en croire un confrère, les Tangérois ont très peu goûté au fait que le Ministre de la Santé n’a pas voulu « prononcer le nom de leur ville lors de sa récente conférence de presse conjointe avec le Chef du Gouvernement ». Une colère s’est donc levée contre ledit Ministre dont certains exigent même la tête. « La majorité des associations et des acteurs politiques de Tanger ont tenu à montrer leur irritation. Des pétitions ont vu le jour, certaines exigeant des excuses de la part d’Aït Taleb, d’autres le sommant de présenter sa démission ou demandant son limogeage », écrit l’organe de presse. Une missive devrait être envoyée au cabinet royal pour protester contre cette « humiliation ».

La situation dans la ville du Détroit est donc alarmante. Et la région du nord pourrait, si le virus n’est pas contenu, en arriver à supplanter Casablanca dans peu de temps. D’autant plus que l’ouverture des frontières permet désormais aux traversées maritimes de débarquer des voyageurs dans la ville. Tanger mérite toute l’attention des autorités afin d’entraver cette progression dangereuse du virus.

Selon Challenge.ma



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