Visiblement les courants salafistes et wahhabistes étaient présents en force au grand rassemblement de théologiens réunis à Casablanca pour débattre du Coran. Et pourtant l’on attendait beaucoup de cette rencontre de la «contemplation» (Tadabur) qui s’est tenue du 28 au 29 octobre, notamment que l’islam n’est pas hermétique à l’exégèse. L’orientation des débats est loin de rassurer. «Le Coran n’a pas besoin d’être réinterprété. Contrairement au catholicisme et au judaïsme, il n’a pas été falsifié et il ne montre aucune contradiction avec la science. Cela serait une pure ignorance et une défaite civilisationnelle que de recourir à des méthodes d’interprétation comme celles qu’ont tenté de pratiquer Mohammed Abed El Jabri et Mohammed Arkoun et dont le travail est d’une bêtise sans nom». Chaleureusement applaudis par une assistance conquise, Abou Zaid Al Idrissi, prédicateur, ex-professeur de linguistique aux facultés des sciences humaines de Hassan II et Mohammed VI (et également député PJD), ne fait pas exception. Lui ainsi que ses confrères du Maroc, du Yémen, d’Arabie Saoudite, de Libye, d’Egypte et de Syrie défendront, une lecture rigoriste du Coran basée uniquement sur les explications apportées par les théologiens des 7e et du 14e siècles, dont notamment Abn Kathir (1301-1373) et Abdoulah Ibn Abbas (618- 687). Un théologien jordanien s’en est pris frontalement «aux pouvoirs laïcs qui combattent Dieu et le Coran » comme Habib Bourguiba, «qui est la source du désastre que vit la Tunisie».
Ces théologiens refusent toute idée de réforme de l’Islam loin des thèses défendues par des penseurs modernistes tels Asmaa Lamrabet (Maroc) ou Mohammed Chahrour (Syrie) (bien entendu absents de la rencontre). «Les Oulémas prétendant que les mystères du Coran sont infinis. Il y aura toujours des lectures différentes. Mais ce n’est pas pour autant que nous devons toucher à ce qui est «explicitement dit»,» souligne le théologien saoudien Abderrahman Al Chihry. L’idée défendue par ce cheikh est celle d’une lecture quasi-littérale du Coran. Cette thèse, c’est aussi celle défendue, en version amplifiée, par le prédicateur wahhabite Mohamed El Arifi, connu pour ses appels au jihad et ses prêches anti-droits de l’Homme. Attendu initialement à la conférence, El Arifi s’était finalement excusé au début du mois après un tollé de militants marocains contre son arrivée au Maroc.
L’entité organisatrice de la conférence, «l’Instance mondiale de la contemplation du Coran», semble avoir les moyens financiers de ses ambitions. D’ailleurs, l’événement, accueillant 400 spécialistes des quatre coins du monde, a ouvert avec la présence du premier secrétaire de l’ambassade de l’Arabie Saoudite au Maroc, Aymane Abdel Ghani et l’ambassadeur du Qatar, Abdellah Daouasseri. Par ailleurs, des prix d’une valeur de 60.000 dollars devaient être offerts aux meilleures recherches théologiques, en méthodologie pédagogique et en couverture médiatique de l’événement.
Autre détail important, les désistements en séries des ministres marocains, annoncés initialement à la conférence: Ahmed Taoufiq, ministre des Affaires Islamiques, Lahcen Daoudi, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique et Jamila Moussali, ministre déléguée (PJD) auprès du ministre de l’Enseignement supérieur. Selon les organisateurs, «ils étaient retenus par d’autres occupations». A moins que les représentants marocains aient décidé d’éviter de cautionner les thèses développées dans ce rassemblement.
Collusions
L’instance mondiale de la contemplation du Coran est née en 2012 à Doha. La même ville qui accueillera, un an plus tard, la première Conférence mondiale. L’instance s’affiche en tant qu’établissement théologique pour l’étude du Coran. Son président saoudien Nasser Ibn Souleiman Al Omar a soutenu publiquement le Front Al Nosra et d’autres groupes terroristes actifs en Irak et en Syrie..
Mehdi LAHDIDI
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