samedi 24 février 2018

Olivier Conil organise une exposition hors les murs avec Gorges Partan à la Galerie Ibn Khaldoun de Tanger du 23 février au 16 mars. Partan cultive le mystère et la discrétion et se consacre exclusivement à la recherche de sa peinture. Il consent toutefois à parler de lui dans un entretien avec Philippe Chaslot.

oeuvre du peintre Georges Partan

« Je recherche le beau et je le fuis aussi ». Partan vous fixe dans les yeux pour deviner si la réponse vous convient. Et si elle est assez claire pour exprimer son goût d’absolu mais aussi son souci de ne pas verser dans le décoratif. « C’est bien sûr la plus grande difficulté. Il faut rester juste “limite” », déclare t-il.

Tableaux de Georges PartanL’artiste tangérois maîtrise bien le paradoxe parce qu’il reste fidèle à l’essentiel de son travail : une obsession d’aller chercher « ce qu’il y a derrière, une fois qu’on racle la surface des choses ». Pour « dépasser le superficiel », le peintre accumule des couches et des couches de couleurs, puis, il « creuse » la matière « un peu comme un sculpteur ». C’est jusqu’à huit couches de peintures qu’il peut ainsi superposer pour se livrer ensuite à un travail de destruction-reconstruction.
Ainsi, chaque œuvre de Partan émerge d’une sorte de combat stratégique entre une matière qui impose sa loi, – ces couches de peinture encore fraîches qui se cachent les unes les autres – et ces actions de lissage, de grattage, de raclage, exercées par l’artiste qui doit, dans un laps de temps forcément contraint par l’alchimie du séchage, donner du sens au hasard. « Il faut que ça puisse se mélanger mais que chaque couche garde en intensité ». Il s’agit donc d’une collaboration entre la peinture et l’artiste qui souhaite en quelque sorte « garder la main » in fine. « C’est dans ce combat entre la peinture et moi, qu’il vient des choses. Et c’est moi qui décide… en fonction de ce qui apparaît. Mais c’est comme dans la vie humaine, on ne maîtrise pas tout ».
Pour Partan, c’est dans ce travail que naît la surprise, l’émotion, le plaisir. Enfin maintenant. Parce que pendant longtemps, très bon dessinateur, Partan, méticuleux, se contentait de recopier des œuvres hollandaises, celles des Annonciations, des perspectives et des détails. Puis il a pris sa route à lui, qu’il nous offre à présent, celle de ses surfaces si lisses et si riches, celle de ces échographies neigeuses où l’abstraction, jamais totale, se plaît dans un entre-deux qui rappelle Richter, une référence assumée qui triomphe aujourd’hui à Paris.

«J’adore Richter. Comme lui, je me suis toujours méfié des pinceaux. C’est une gestuelle qui m‘amenait à un certain maniérisme. J’utilise des raclettes ou tout type d’instrument qui me permette de sculpter la peinture». Georges Partan

Si Partan parle plus facilement de « radiographies » à propos de son travail, c’est que mentalement, il s’y retrouve. L’homme, réservé, d’un physique sec et plutôt tranchant, est un personnage qui se « révèle » dans ces surfaces polies et tout à la fois glacées et sensuelles. « C’est un peu ma personnalité. Je n’ai été élevé que par des femmes, je n’ai pas connu mon père. Je suis assez sensible mais au fond j’ai une dureté qui me fait peur parfois. Et je peux passer d’une hyper dureté à une hyper sensibilité ».

Entre sensibilité et rudesse, la peinture de Partan séduit par la force de ces aplats éclatants, par le mystère de ses flous. Certains détails laissent aussi remonter à la surface une éducation et des réflexes que l’artiste croyait enfouis. « C’est vrai que j’ai fait beaucoup de croix alors que je suis plus mystique qu’adepte de la religion dont les certitudes peuvent aller jusqu’à la dictature, s’il n’y a pas place pour le doute ». L’artiste qui, avec rigueur recherche une sorte de spiritualité, voire de « pureté un peu cistercienne » a fréquenté, jeune, les rites et les dogmes catholiques avant de s’en éloigner, de s’en défaire. Il revendique désormais « une forme d’athéisme » mais constate que l’abstraction est une forme picturale qui, chez lui, fait resurgir un inconscient pétri de sacré, « un peu à la Tapies ».

Entretien avec Philippe Chaslot

Galerie Ibn Khaldoun
rue de la Liberté, Tanger



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