Le gouvernement est devant un dilemme: comment augmenter la TVA sur le médicament un an après avoir décidé une forte baisse des prix sans se déjuger? Le tarif appliqué actuellement sur les produits pharmaceutiques est de 7%. Depuis la tenue des 2e Assises de la fiscalité, le gouvernement s’est engagé à passer de cinq taux à deux: 10 et 20%. Sauf à décider une exonération, cela suppose que la TVA sur le médicament passera à 10% pour se conformer à ce schéma. Cette option n’a pas été discutée lors de la préparation de la loi de finances 2015 pour ne pas donner l’impression aux consommateurs d’augmenter les prix des médicaments quelques mois à peine après les avoir baissés. Mais elle n’est pas du tout abandonnée. Ce que redoutent les industriels. Ils craignent de devoir supporter le différentiel après avoir digéré la baisse des prix. En fait, de par la loi, la TVA doit être supportée par le consommateur final. Par conséquent, la taxe devrait être réformée comme pour n’importe quel autre produit. Comment le ministre des Finances compte-t-il agir pour faire passer la pilule, sachant que son collègue de la Santé est foncièrement opposé au principe même d’une TVA sur le médicament?
Pour ne pas être pris de court, les industriels prennent les devants et activent leurs réseaux. L’objectif étant de déboucher sur une réforme indolore aussi bien pour eux que pour les consommateurs. Un mémorandum devrait bientôt être transmis au gouvernement qui est en train de préparer le projet de loi de finances.
«Bien qu’ils ne soient pas directement impactés, les industriels ne considèrent pas le passage d’un taux de 7 à 10% comme la solution idéale, car tout ce qui constitue un frein à la consommation est un problème», explique un industriel. «Nous considérons que l’application d’une TVA sur le médicament est d’abord une mesure indécente, puisque la plupart des consommateurs supportent directement les charges de soin», précise Abdelmajid Belaiche, DG de l’Association marocaine de l’industrie pharmaceutique (AMIP). Et d’ajouter qu’une hausse à 10% du tarif de TVA serait inefficiente. Les régimes publics d’assurance tels que l’AMO ou le Ramed seront appelés à supporter cette augmentation. Ce qui reviendrait à donner d’une main ce que l’on a pris de l’autre.
Autant de raisons qui font que les industriels sont en train d’étudier trois scénarios pour réduire la facture d’une réforme à défaut de la contrer. Voici la synthèse des propositions que préparent les industriels.
Le premier scénario s’appuie sur le principe de la compensation. Il consiste à augmenter à 10% le taux de TVA de certains produits et de le ramener à 0% pour ceux qui sont à 7%. Maintenant, il faudra identifier les produits qui devraient casquer et ceux à exonérer. Pour l’heure, seuls les médicaments destinés au traitement des maladies chroniques telles que le diabète, le sida, l’hypertension, l’hépatite, l’asthme, le cancer sont exonérés. Ce qui ne représente qu’environ 20% des produits pharmaceutiques. Parmi les pistes envisageables, l’élargissement du panier des médicaments exonérés en intégrant, par exemple, les psychotropes, les antidépresseurs, les antipsychotiques…
D’autres références pourraient être exonérées de TVA. Mais cela suppose la redéfinition des maladies chroniques. Outre les problèmes du butoir de TVA, cette solution pourrait entraîner un effet d’éviction: certains laboratoires seraient tentés de ne produire que des médicaments destinés aux maladies lourdes.
Le deuxième scénario consisterait à exonérer uniquement les médicaments remboursables. Cette détaxation aura notamment l’avantage de soulager les organismes gestionnaires. «En fait, la notion de médicaments remboursables reste théorique puisque beaucoup de consommateurs ne bénéficient d’aucun remboursement puisqu’ils ne sont pas couverts», rappelle Belaiche.
Outre l’absence d’une couverture médicale, beaucoup de médicaments sont vendus dans le cadre de l’automédication, très courante au Maroc. Par conséquent, les consommateurs n’en demandent pas le remboursement. Pour certains industriels, ces produits, qui sont vendus sans prescription, devraient être taxés à 10%. Reste à dresser la liste de ces produits dits OTC (Over The Counter) dans un décret.
La troisième piste examinée par les industriels consisterait à traiter différemment les produits prescrits et ceux conseillés. L’idée est de relever à 10% la TVA des médicaments qui sont vendus sans ordonnance tout en exonérant ceux vendus uniquement sur prescription.
Pour le moment, il ne s’agit que de pistes de réforme. Aucun scénario n’a encore été retenu par les trois associations professionnelles. Les industriels devraient réaliser une étude sur l’impact de chacun des scénarios. Les conclusions seront communiquées au ministère des Finances. Mais tout se jouera au Parlement.
Hassan EL ARIF
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