lundi 30 novembre 2015

Il a fallu d’une phrase dans le dernier rapport du CNDH sur la parité pour raviver la tension autour des droits universels des femmes. Surtout ceux qui ont trait à des questions à Caractère religieux. C’est notamment le cas de l’épineux sujet de l’égalité en héritage. Le droit successoral marocain, basé sur la charia, est pointé du doigt par les organisations féministes, qui estiment que les femmes sont lésées par rapport aux hommes en matière de répartition de l’héritage. Le CNDH a joué son rôle en remettant cette question au cœur du débat, même si cela a dérangé les conservateurs qui ont crié au scandale. Certains ont même estimé que le CNDH ne devait pas se mêler de ces questions à caractère religieux, qui sont plutôt du ressort d’autres institutions comme le Conseil supérieur des oulémas. Néanmoins, la recommandation du CNDH a eu le mérite de créer un débat national autour de cette question, la meilleure manière de mener les combats sociaux. Le Maroc avait vécu la même confrontation entre modernistes et conservateurs au début des années 2000, à l’occasion de la réforme de la Moudawana. Il a fallu un arbitrage royal pour mettre en place une nouvelle loi, qui a fait l’objet de consensus. Aujourd’hui, un processus similaire semble être en marche. Et l’appel du CNDH semble avoir de plus en plus de soutien. Dans son dernier rapport sur la parité, le Conseil présidé par Driss El Yazami, a glissé une phrase qui a eu l’effet d’une bombe. «Amender le code de la famille de manière à accorder aux femmes les mêmes droits dans la formation du mariage, dans sa dissolution, dans les relations avec les enfants et en matière successorale, en conformité avec l’article 19 de la Constitution et l’article 16 de la CEDEF». Cette recommandation a suscité une levée de boucliers, qui s’est focalisée uniquement sur la question de l’héritage, laissant entendre que les autres aspects évoqués peuvent faire l’objet d’une réforme qui ne suscitera pas de résistance. Or, la question successorale constitue un facteur décisif dans la marche vers la parité. Surtout qu’aujourd’hui, «la législation successorale inégalitaire participe à la vulnérabilité des femmes et à leur pauvreté. De plus, la pratique du Habous ainsi que les règles régissant les terres collectives participent à déposséder les femmes de leurs droits à la terre ou à la succession», selon le Conseil national des droits de l’Homme.
La répartition égalitaire de l’héritage, de même que les autres règles liées au mariage, au divorce, à la maternité, au travail… sont des droits universels reconnus au profit des femmes. Et le Maroc, qui a relevé ses réserves relatives à la convention de la CEDEF, est appelé à harmoniser sa législation avec ses principales dispositions. Or, ce chantier traîne encore, selon le CNDH. Car, «le Maroc a maintenu sa déclaration interprétative concernant l’article 2, qui condamne la discrimination à l’égard des femmes et qui appelle à l’engagement des Etats à l’éliminer sans retard». Or, cet article est «considéré par le comité CEDEF comme étant essentiel aux objectifs de la convention».
Par ailleurs, le CNDH pointe d’autres contraintes qui empêchent les femmes marocaines de jouir pleinement de leurs droits universels. Par exemple, «la mère ne peut accéder à la tutelle légale sur ses enfants mineurs que sous certaines conditions très restrictives», même si elle est tenue par une responsabilité matérielle en cas d’incapacité du père. Il faut également signaler d’autres manquements, notamment au niveau du code de la nationalité. Une réforme en 2007 avait permis aux femmes de transmettre la nationalité à leurs enfants. Toutefois, elles n’ont pas le droit de la transmettre à leurs conjoints, comme c’est le cas pour les hommes qui peuvent faire des démarches pour naturaliser leurs épouses étrangères.

Ce qui reste à faire

Le CNDH n’y va pas par quatre chemins pour souligner les mesures à même de garantir la protection des droits universels des femmes. En tête, la nécessité du «retrait des déclarations interprétatives de la CEDEF et la garantie d’une large diffusion de cette convention auprès des magistrats et leur incitation à prendre en considération ses normes et dispositions». Le Conseil appelle également à «amender le code de la famille de manière à accorder aux femmes les mêmes droits dans la formation du mariage, sa dissolution et dans les relations avec les enfants, en conformité avec l’article 19 de la Constitution et l’article 16 de la CEDEF». Le renforcement du cadre juridique garantissant les droits des femmes passe également par «la promulgation d’une loi spécifique de lutte contre les violences à leur égard, en conformité avec les normes internationales, ainsi que la ratification de la Convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe».

M. A. M.



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