lundi 30 novembre 2015

Voici l’intégralité du discours du roi Mohammed VI qui a été lu par le prince Moulay Rachid, son Altesse souffrant d’une extinction de voix le 30 novembre. Un discours fort et engagé pour la réussite de la COP21 sachant que l’an prochain le Maroc sera l’organisateur à Marrakech de la COP 22. Le Roi évoque l’importance majeure du sommet de Paris et la menace planétaire qu’inflige le dérèglement climatique.


Le Président Hollande accueille sa Majesté Mohammed IV à la COP21 le 30 novembre 2015 à Paris.

“Louange à Dieu. Prière et salut sur le Prophète, Sa famille et Ses compagnons.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement, Monsieur le Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies, Excellences, Mesdames, Messieurs,

Le rendez-vous qui est le nôtre aujourd’hui à Paris, n’est pas et ne peut plus être celui des Sommets et des Conférences que la Communauté des Nations inscrit régulièrement dans l’agenda des relations internationales. Il ne le sera pas, et vous me permettrez de vous le dire aussi directement, car la Conférence de Paris et celle que mon pays se propose d’accueillir dans un an à Marrakech, seront d’abord les conférences fondatrices du futur que nous avons le devoir et la responsabilité de léguer à nos enfants.

Le Prince Moulaay Rachid prononce le discours du roi du Maroc à la COP21

Nos enfants que nous ne voulons pas voir privés des forêts, des océans, des rivages et de toutes ces ressources naturelles emblématiques du patrimoine le plus précieux de notre humanité.

Un patrimoine aujourd’hui mis en équation parce que la communauté internationale n’aura pas su ou voulu se mobiliser à temps, pour se donner les moyens de mieux maitriser son propre destin.

La prise de conscience collective qui est la nôtre désormais, celle des effets dévastateurs pour la planète du réchauffement climatique, celle de l’urgence de mettre en cohérence les mots et les actes.

L’enjeu de nos discussions n’est ni idéologique, ni diplomatique, ni même économique au sens conventionnel de nos débats et de nos rencontres antérieures.

Chacun sait maintenant que la menace est planétaire et qu’aucune nation, aucune région, aucun continent n’échappera aux conséquences du dérèglement climatique.

Le temps du doute et du scepticisme n’est plus permis, pas plus que ne le sera désormais l’alibi des fausses priorités pour une Communauté des Nations, qui pendant trop longtemps a accepté de tourner le dos au devenir et à l’avenir de tous ses enfants.

Longtemps, nous avons voulu ne pas voir. Longtemps, trop longtemps, nous avons retardé le moment de la conscience. Nous avons joué avec des hypothèses qui se sont révélées autant de faux fuyants.

Mais la réalité est là. Les glaces qui fondent. Les mers et les océans qui montent. Les rivages peu à peu rongés. Les ressources en eau raréfiées, des productions agricoles menacées. Et des inondations, de plus en plus meurtrières, succédant à des sècheresses qui désolent tout autant.

C’est pour cette raison que J’ai délibérément choisi de ne pas verser dans une analyse technique ou un discours savant, tout en rendant hommage aux scientifiques et experts qui font autorité en la matière.

Pour que l’unanimité, qui n’est pas facilement et immédiatement réalisable dans ce domaine, ne devienne un élément rédhibitoire qui justifierait la frilosité des uns et les illusions nées de l’immobilisme des autres, il faut construire, avec patience, ambition et détermination sur ce qui est possible et accessible. Seules l’efficacité de l’action et la tangibilité des résultats vaincront les résistances et les réticences.

C’est dans cette perspective, celle du réalisme, de l’anticipation et de l’action que Je voudrais évoquer ici la stratégie que le Royaume du Maroc met en œuvre depuis plus d’un demi-siècle.

À commencer par l’eau, source de vie et obsession quotidienne et vitale pour chaque marocain. Que serait devenu le Maroc, à cet égard, sans la politique des barrages, choix pionnier et visionnaire mis en œuvre depuis le début des années 60 par Notre Auguste Père, feu Sa Majesté le Roi Hassan II, que Dieu Le garde en Sa Sainte Miséricorde.

Conscient de l’importance de cet acquis structurel et central pour l’avenir du Maroc, Nous avons veillé à son renforcement, ce qui a permis au Royaume de se doter de 140 grands barrages classés, dont près du tiers ont été construits au cours des 15 dernières années.

Grâce à cette politique, le Maroc fait face aux effets de la sècheresse, alors que dans certains pays développés un simple retard saisonnier dans les pluies suscite une alerte qualifiée de sècheresse exceptionnelle et aiguë.

L’engagement du Royaume s’est également traduit par le développement des bassins-versants, qui permettent de canaliser l’eau, sans détruire ni déstabiliser les écosystèmes.

Le Maroc a en outre mis en place et défendu, non sans difficultés, lors des négociations avec ses partenaires, une politique de pêche responsable pour protéger ses ressources halieutiques.

Depuis la prise de conscience de l’urgence climatique à Rio en 1992, le Royaume a résolument inscrit sa politique volontariste en matière de développement durable et de protection de l’environnement, dans l’effort global de la Communauté internationale, à travers une série de réformes constitutionnelles, législatives, institutionnelles et règlementaires.

La Charte de l’Environnement, le Plan Maroc Vert, le Plan d’Investissement Vert, l’interdiction des OGM et la récente loi sur les déchets plastiques, sont autant d’expressions de cette mobilisation et de cette cohérence.

Plus récemment enfin, nourri par la même démarche qui privilégie le long terme, le Royaume du Maroc est devenu l’un des acteurs majeurs de la transition énergétique dans le monde et plus particulièrement sur le Continent africain.

C’est ainsi que l’objectif de 42 % qui avait été fixé pour la part des énergies renouvelables, dans la réponse à apporter à nos besoins en 2020, a récemment été porté à 52 % à l’horizon 2030. Par son caractère ambitieux et substantiel, la contribution prévue déterminée du Maroc à la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques, confirme cette démarche avant-gardiste du Royaume.

Fort de cet engagement irréversible, le Maroc se porte candidat à l’organisation à Marrakech, en 2016, de la COP 22.

C’est là le sens de l’Appel de Tanger que j’ai lancé, conjointement, avec Son Excellence le Président François Hollande, le 20 septembre dernier, confirmant ainsi l’engagement de travailler, la main dans la main, pour la réussite de ces rendez-vous déterminants pour notre destinée future.

Les étapes doivent, en effet, s’enchainer et la route sera longue, car des habitudes sont à changer, des priorités sont à définir, des technologies sont à inventer, des bilans, réguliers, doivent être acceptés.

La crise climatique est l’ultime injustice qui frappe les plus vulnérables et les effets du changement climatique concernent autant, sinon plus, les pays en développement, surtout les Etats d’Afrique et d’Amérique Latine les moins avancés ainsi que les petits Etats insulaires.

La sonnerie de l’alarme a été entendue, même par les plus sourds. La prise de conscience est générale. Certes, ces pays avancent, mais chacun à son rythme, chacun avec sa stratégie originale. Ils avancent en traçant leur chemin au milieu de contraintes qu’il n’est pas possible d’ignorer. Et d’abord la nécessité d’offrir à leurs populations des niveaux de vie corrects.

Est-il équitable de plaider pour la frugalité quand on a déjà tout ? Mais quand on a peu, est-ce un crime contre la planète de vouloir plus ? Est-il pertinent de qualifier de “durable” un développement qui laisse dans la pauvreté une majorité d’êtres humains ? Est-il légitime que les prescriptions pour la protection du climat soient dictées par ceux qui sont les premiers responsables du réchauffement de l’atmosphère ?

Le Continent africain mérite une attention particulière. Un continent qui partout s’éveille et se découvre et prend confiance. C’est donc en Afrique, continent de l’avenir que se jouera l’avenir de notre planète.

Dans ce contexte, la promotion des transferts de technologies et la mobilisation des financements, en priorité en faveur des pays en développement, sont fondamentales et prenons garde à ce que ces pays n’aient pas à choisir entre le progrès de leur économie et la protection de l’environnement.

Leur engagement dans le combat contre les effets des changements climatiques doit également tenir compte du modèle de développement et des habitudes des individus dans chaque pays.

Ainsi, dans les pays du Nord, le mode de vie et les habitudes de consommation de produits cosmétiques ou alimentaires par exemple, créent de grandes quantités de déchets non dégradables. Au même titre, dans les pays en développement, la lutte contre les sacs en plastique, par exemple, constitue un véritable défi. Les gens ne pensent pas à détruire ces sacs, mais plutôt à les remplir, pour subvenir à leurs besoins. Il s’agit là d’une question d’éducation.

C’est pourquoi, dans un cas comme dans l’autre, une règlementation contraignante est nécessaire.

De même, la lutte contre les déchets ne doit pas être synonyme de techno-phobie, d’un rejet du progrès ou d’un retour vers l’âge de pierre. Bien au contraire, les avancées technologiques devraient être utilisées efficacement afin de limiter l’impact du réchauffement climatique.

Un consensus international authentique et inclusif s’impose et passe nécessairement par notre soutien à une appropriation effective de l’Action Climat par les pays en développement.

La conférence de Paris nous offre l’opportunité de consolider un instrument juridique global, opérationnel, équilibré et universel, qui permettra de limiter le réchauffement climatique en deçà de deux degrés Celsius et de tendre vers une économie décarbonée.

Je voudrais conclure en souhaitant le plus grand succès à cette Conférence et en remerciant le Président François Hollande et la France, pour leur engagement et leur mobilisation, pour faire de la COP 21, le rendez-vous réussi de l’histoire et de l’espoir.

Le maintien et le succès de cette Conférence constituent le plus grand hommage que l’on pourrait rendre aux Françaises et aux Français meurtris par le terrorisme abject. C’est la meilleure réponse à l’obscurantisme et aux ennemis de l’humanité.



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