dimanche 29 novembre 2015

«La violence envers les femmes est la violation la plus honteuse des droits de l’homme et la plus répandue», soulignait Kofi Annan en 1999 lors de la conférence «World free of violence against woman» (Un monde sans violence contre les femmes). Une quinzaine d’années plus tard ce problème urgent de santé publique demeure en constante augmentation à travers le monde et le Maroc n’y a pas échappé (près de 3,7 millions de femmes ont subi un acte de violence conjugale selon l’enquête HCP sur la prévalence de 2011). Le constat est désolant. De plus en plus de femmes brisent le silence, partagent leur douleur, ce qu’elles subissent au quotidien. Des actes innommables subis par leur conjoint qui ont des conséquences lourdes et des séquelles à vie sur leur santé si celles-ci ne meurent pas sous les coups de leur conjoint (1 femme meurt tous les 3 jours sous les coups de son mari dans le monde !) ou se suicident. Cette violence entraîne également des coûts économiques importants en dehors des services sanitaires, juridiques… Sans oublier les coûts sociaux.                                                                  
«Le nombre d’écoute est sans nul doute en augmentation. Maintenant,  est-ce que les femmes ont plus de facilité à dénoncer leur mari? Ou y a-t-il une augmentation de la violence conjugale ? Nous ne pouvons pas évaluer cela, nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses en l’absence d’une deuxième enquête de prévalence», précise Saïda Drissi,  vice-présidente de l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM) et coordinatrice nationale du Réseau Anaruz des centres d’écoute  pour femmes  victimes des violences.
Mounia est écoutante au centre Nejma à Rabat. Pour ce faire, elle doit être juriste et a dû recevoir plusieurs formations, notamment sur les techniques d’écoute, de plaidoyer, de communication… En plus des appels téléphoniques, elle reçoit également des mails et des visites sur place. Des dizaines de victimes l’appellent par jour. Pour la majorité, elles sont issues de milieux défavorisés, sans emploi, n’ayant donc pas les moyens d’avoir un avocat. Ce qui ne veut pas dire que ce sont ces femmes-là uniquement qui subissent une violence conjugale qui touche toutes les couches sociales. «La plupart d’entre elles, pour ne pas dire toutes, nous contactent après avoir tenté la réconciliation avec leur conjoint à plusieurs reprises. Elles ont souvent déjà été en justice», précise l’écoutante. La violence conjugale est protéiforme. Elle peut être physique, verbale, psychologique (transversal à toute et s’intensifie en fonction du type de violence), économique, sociale (ex: viol conjugal) mais aussi institutionnelle (mariage forcé, mariage des mineurs, polygamie, répudiation, déchéance du droit de garde…). Mounia constate que le problème le plus récurrent demeure celui de la violence physique. Bien que ce type de violence soit visible et accompagné d’un certificat médical, les associations restent prisonnières des définitions pénales qui exigent pour la sanction des moyens de preuve précis. Selon le code pénal, en cas d’absence de témoins, comme c’est le plus souvent le cas, l’affaire est classée et le crime reste impuni. Ces violences sont commises dans des conditions privées difficiles à prouver. Le centre d’écoute conseille, oriente les victimes. Malheureusement il n’y a pas de coordination entre les différents acteurs. Ce qui ne facilite pas le suivi, pas de traçabilité ni de retour d’information. Fatima A. de Kalaat Megouna (21 ans), s’est marié à l’âge de 19 ans, femme au foyer. Depuis un an, elle subit les coups de son mari qui la frappe avec un tuyau, et l’enferme dans une pièce. Les causes de cette violence sont diverses. Elle survient lorsqu’elle demande à aller voir sa famille ou encore lorsqu’elle lui demande d’apporter des provisions. Comme dans la plupart des cas, Fatima a pris son mal en patience avant de contacter le centre d’écoute. Après avoir déposé plainte, son mari est relâché suite à l’audience après avoir payé une caution de 2.000 DH. Sauf que son mari a été jusqu’à la menacer de mort faute de témoignage. Aujourd’hui, Fatima veut divorcer, et ne demande rien en retour. Le tribunal lui demande de pardonner mais elle ne lui fait plus confiance.
Zahra K. de Skhirat (27 ans), 2 enfants de 5 et 7 ans, femme au foyer. Son mari est de nature violente avec tout le monde, au travail, avec la famille. Elle subit la violence verbale et physique de son époux depuis le début de son mariage. Zahra a porté plainte contre son mari, mais ne souhaite pas divorcer à cause des enfants. Si elle se résigne, c’est aussi parce qu’elle dépend de lui financièrement. Malgré le fait que cet homme soit reconnu comme violent de tous, personne ne souhaite témoigner contre lui. Pour Zahra, son mari tient à elle. La victime met tout sur la nervosité de son mari et dit qu’il regrette ses actes à chaque fois. L’audience se tiendra fin décembre et Zahra nourrit encore l’espoir que son mari change un jour.

Comment lutter contre ce fléau.

Parmi les recommandations émises par la société civile pour atténuer ce phénomène:
- Informer et sensibiliser le public à ce fléau en multipliant les initiatives de prévention;
- Appuyer les centres d’écoute qui disposent de moyens très faibles pour faire face aux demandes;
- Réformer la Moudawana car elle contient encore de nombreuses failles juridiques, mariages des mineures, polygamie, tutelle matrimoniale, la déchéance de la garde des enfants…;
- Mener une enquête de prévalence (la dernière a été faite en 2011);
- Projet de loi sur les violences faites aux femmes.

A. B.



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