vendredi 28 février 2020

La Chambre des représentants a adopté, le mois dernier, une proposition de loi modifiant l’article 202 de la loi n°31-08 du 18 février 2011 relative à la protection du consommateur. L’amendement en question prévoit que les litiges de consommation seront désormais de la compétence exclusive des tribunaux de première instance et que cette compétence est d’ordre public. Ce qui signifie qu’il n’est pas possible d’y déroger et que les tribunaux de commerce ne pourront plus traiter les litiges de consommation.
A noter que dans sa mouture actuelle, l’article 202 de la loi n°31-08 stipule qu’en cas de litige entre le fournisseur et le consommateur et en l’absence de toute disposition contraire, «la juridiction compétente est le tribunal dont relève le domicile du consommateur ou son lieu de résidence ou la juridiction du lieu où s’est produit le fait ayant causé le préjudice, au choix du consommateur». Cependant, le texte ne précise pas quelle est la nature de la juridiction compétente. Il n’indique pas s’il s’agit du tribunal de commerce ou du tribunal de première instance.
Le rapport parlementaire (de la Commission des secteurs productifs) relatif à la proposition de loi explique que l’attribution aux tribunaux de première instance de la compétence exclusive pour le traitement des litiges de consommation a pour but de «faire bénéficier le consommateur d’une juridiction de proximité» et de lui «éviter de se retrouver face à une juridiction (le tribunal de commerce) dont l’ignorance des règles et des spécificités procédurales ne sert pas ses intérêts». Le rapport met aussi l’accent sur le fait que «les tribunaux de commerce sont plus coûteux» que les tribunaux de première instance et qu’ils sont en nombre limité, à peine 8 à travers l’ensemble du territoire national; ce qui les rend éloignés du consommateur qui peut être amené à effectuer de longs trajets pour y accéder. Le législateur veut éviter que le fournisseur oblige le consommateur à inclure dans le contrat le recours au tribunal de commerce. Il faut savoir que les contrats de consommation sont des contrats de type mixte, dans la mesure où l’une des parties est commerciale, le fournisseur, et l’autre partie est civile, le consommateur. Ce dernier est, en effet, défini par la loi n°31-08 comme «toute personne physique ou morale qui acquiert ou utilise pour la satisfaction de ses besoins non professionnels des produits, biens ou services destinés à son usage personnel ou familial». Or, d’après le Code de commerce, lorsque l’acte est commercial pour un contractant et civil pour l’autre, les règles du droit commercial ne s’appliquent qu’à la partie pour qui l’acte est commercial, «sauf disposition spéciale contraire».
Autrement dit, en cas de litige, le consommateur a le choix de porter plainte contre le fournisseur soit devant le tribunal de commerce, soit devant le tribunal de première instance. En revanche, le fournisseur ne peut porter plainte contre le consommateur que devant le tribunal de première instance, sauf si une clause stipule le contraire.
Dans tous les cas de figure, le fournisseur et le consommateur ont la possibilité de convenir d’un commun accord de porter leurs litiges devant le tribunal de commerce. C’est la raison pour laquelle le législateur, dans son amendement de la loi n°31-08, a interdit, d’une manière définitive, le recours aux juridictions commerciales. L’objectif est d’éviter qu’un fournisseur de biens ou de services use de sa force économique pour obliger le consommateur à inclure dans le contrat de consommation le recours, en cas de litige, au tribunal de commerce. L’ajout d’une telle clause dans le contrat est une pratique qui est fréquemment observée, notamment dans le cas des crédits à la consommation.
Même s’il va dans le sens du renforcement de la protection des consommateurs, l’amendement de la loi n°31-08 est, pour le moins, insuffisant. C’est ainsi que la loi devrait être révisée pour assurer une meilleure protection des particuliers contre le surendettement, ceux-ci étant le plus souvent en situation de faiblesse face aux établissements de crédits. Il faudrait également accorder aux associations de défense du consommateur, qui ne sont pas reconnues d’utilité publique, le droit de saisir les tribunaux sans avoir besoin de demander, au préalable, l’autorisation du ministère de la justice. Enfin, il convient de faire de la médiation un mode privilégié de règlement des litiges, comme c’est le cas pour le secteur bancaire (avec la création du Centre marocain de médiation bancaire), et de la généraliser à l’ensemble des secteurs d’activité économique ; car elle permet non seulement un gain de temps considérable, mais aussi et surtout de désengorger les tribunaux.



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