lundi 9 mars 2020

Meriem El Hadraoui, diplômée de la faculté des sciences de l’éducation de Rabat, est DG du pôle pédagogique des établissements en gestion déléguée du groupe Elbilia. De 2007 à 2016, elle a été déléguée de l’Education nationale dans les préfectures de Casa-Anfa et de Ben M’Sik. Elle a également été inspectrice principale de l’enseignement secondaire en Génie, Economie et Gestion, entre 1996 et 2007 (Ph. ME)Dans toute société, la première étape de l’éducation de l’enfant se déroule dans le milieu familial. Les comportements liés à la différence sexuelle débutent dès les premiers âges. En effet, les stéréotypes des genres, très présents, influencent les parents dans l’éducation de leurs enfants qui, à leur tour, adoptent des différences de traitement très sexuées. Cette discrimination se manifeste par le choix des couleurs des vêtements, des jouets, de la pratique du sport… Par les expressions utilisées: les garçons ne pleurent pas, ils sont forts…. Les inégalités font partie intégrante du quotidien des familles.A l’âge de  3 ans, les garçons et les filles savent très bien à quel sexe eux-mêmes et les autres appartiennent. Ils ont aussi conscience des compétences et des rôles culturels associés à chaque sexe (Thomson 1975). Au fur et à mesure que les enfants grandissent, les différences dans l’attitude des parents envers leurs filles et leurs fils ont tendance à s’accentuer. A l’âge de 12 ans, les clichés sont intériorisés. Bien entendu, on ne naît pas sexiste, on le devient.Des qualités comme la sensibilité, la peur, la coquetterie, la timidité attribuées à la nature féminine sont tolérées, et même encouragées chez les filles. A l’inverse, les garçons sont encouragés à maîtriser leurs émotions. Il serait possible de les éliminer si à partir de 6 ans l’école ne les perpétue pas en renforçant le même type d’apprentissage des rôles masculins et féminins, avec une autorité qui les laisse gravés (Hough 1985).In fine, les enfants apportent à l’école des perceptions de la masculinité et de la féminité. Que reproduisent-ils en classe? L’école parvient-elle à rétablir l’égalité filles-garçons? Ou parvient-elle à aplanir les inégalités des genres?La mixité, indispensable mais pas suffisanteBien que l’égalité filles-garçons soit  une obligation d’un point de vue légal pour l’Education nationale, force est de constater qu’au-delà des lois et des conventions internationales, les inégalités et les différences de traitement entre les filles et les garçons restent bien réelles, ancrées, voire même entretenues au quotidien à l’école. Les programmes scolaires, les méthodes pédagogiques, les activités parascolaires, l’orientation, tout comme les interactions entre les élèves, mettent en évidence des stéréotypes sexistes bien présents dans l’éducation des enfants, dans tous ses aspects. Cela prouve que la mixité, bien qu’elle puisse y contribuer, n’est pas toujours source d’égalité. Elle est une condition indispensable mais pas suffisante pour l’égalité entre femmes et hommes. Elle constitue la première ouverture sur l’autre et sur la différence.Des programmes scolaires qui entretiennent les stéréotypesMalheureusement, nos contenus expriment et reproduisent les idées et les pratiques sur les inégalités des genres. Les récits et les manuels représentent des images très stéréotypées du masculin et du féminin, et  tentent de renforcer chez l’élève les modèles déjà intériorisés au sein de la famille. Ainsi, les femmes apparaissent dans les rôles maternels,  tandis que les décideurs et les entrepreneurs sont plutôt masculins.D’où la nécessité de changer les contenus pour garantir que l’enseignement participe à la promotion de l’égalité des genres. Il faudrait adopter une approche holistique de l’égalité des genres dans les programmes et prôner le rôle positif des femmes.Quel que soit le contenu du programme, il sera impossible d’atteindre l’équité si l’on décourage les filles de s’exprimer, si l’on considère qu’elles sont passives ou peu ambitieuses. Si par exemple les professeurs pensent que les filles sont capables d’étudier les sciences et technologies, cela affectera leur manière d’enseigner aux filles ainsi que leurs attentes quant aux capacités des filles dans ce domaine. D’une manière générale, nos croyances influencent nos actions, ces dernières impactent les croyances des autres, ce qui génère leurs actions et renforce nos croyances. C’est dire le pouvoir des pensées sur nos comportements.Dans les pratiques éducatives, la misogynie est tellement intégrée, que dans certaines classes, les filles et les garçons s’installent en rangées  séparées, ou se mettent en groupes de travail unisexes. Parfois, ce sont les professeurs qui organisent les groupes, quand la classe est dédoublée, en un groupe de filles et un autre de garçons.Cour de récréation: Les garçons au milieu, les filles en périphérieLes inégalités des genres touchent, également, l’occupation de la cour. Les garçons occupent le milieu et les filles sont dans la périphérie. Plus encore, les garçons se déplacent dans la cour en diagonale, alors que les filles marchent dans les alentours. Ce qui révèle par la suite la manière d’occuper l’espace public.Les campagnes d’orientation (quand elles sont organisées) et les pratiques en classe influencent différemment les élèves, selon le sexe, dans leurs choix de filières au lycée ou dans les études post-baccalauréat. Les filles demeurent confrontées aux préjugés qui les empêchent d’accéder aux mêmes opportunités que les garçons, et à des obstacles particuliers tout au long de leur scolarité. La participation aux activités parascolaires est influencée par les perceptions de la masculinité et de la féminité. Ainsi, le club de danse est réservé aux filles, le club de foot est pour les garçons… Dans plusieurs établissements scolaires, y compris privés, des difficultés persistent pour recruter des garçons dans le premier club et inscrire les filles dans le deuxième. La question de l’équité et de l’égalité entre les sexes est d’abord un enjeu de reconnaissance et de respect de la dignité de la personne humaine. Il est nécessaire  de mettre en place un dispositif de lutte pour l’égalité des filles et des garçons, contre les stéréotypes et les discriminations des genres. Ceci afin de pouvoir contribuer au bien-être et à l’épanouissement des enfants, et créer davantage de possibilités d’avenir pour les enfants, filles comme garçons.Par Meriem EL HADRAOUI 



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