dimanche 1 mars 2020

Qui aurait donc l’idée d’aller voir une pièce de théâtre un lundi soir, lorsqu’il n’y a rien sur le carton d’invitation ou sur l’évènement Facebook qui puisse vous engager dans la nuit casablancaise dès le début de semaine ? Ni synopsis, ni même une photo de scène et un titre pour le moins ambigu : «La pièce de théâtre». Laissez nous répondre : un chanceux ! Il fallait vraiment être chanceux pour qu’un concours improbable de circonstances vous mette sur la piste d’une œuvre aussi farfelue. Interprétée par les excellentes Maha Boukhari et Sara Abdelwahab de la troupe Catharsis, «La pièce de théâtre» a été écrite et mise en scène par le dramaturge, comédien et enseignant d’acting Ismail Elfallahi. Ayant bénéficié du soutien du ministère de la culture, de la jeunesse et des sports, la pièce refait une tournée, après une précédente virée en 2019. C’est au théâtre de la F.O.L, ce 24 février, que nous la découvrons. Faut-il ou non spolier une pièce qui garde une sorte de mystère ? Si oui, que dire alors de cette pièce ? Comment parler d’histoire s’il n’y en a pas, ou de thème lorsqu’il y en a plusieurs ? Et est-ce vraiment lui rendre justice au vu de tous les détails extravagants qui font toute la beauté de ce tableau loufoque? Comment rendre compte d’un travail où l’on a ri du début à la fin, où l’on a voté et même mangé, pour ne pas rentrer le ventre vide ? Oui, oui…
C’est pain bénit
Disons déjà qu’il est beaucoup question de pain. Cet élément irremplaçable du régime alimentaire des Marocains est trempé à toutes les sauces, ébauchant une certaine narration et donnant lieu à des passages hilarants.
En outre, c’est une pièce 100% féminine. Les deux comédiennes, dont les personnages se démultiplient sur scène, se baladent dans un large spectre de profils féminins, pour un rendu foisonnant. On découvre alors Soumia, parfaite femme au foyer, à la recherche de pain, qui rencontre Hasna, ex-secrétaire aigrie, qui tient son épicerie le jour de l’Aid.
Lors d’une rixe aussi improbable qu’absurde, une femme commissaire interroge une vieille dame, témoin oculaire, et Jawada, la conductrice de bus, qui n’a rien vu. Sans un instant se targuer d’un quelconque message féministe, «La pièce de théâtre» fait la part belle à la représentativité féminine dans la société et flatte le talent de la femme artiste.
Du sens dans l’absurde
Dans «La pièce de théâtre», l’on est loin du théâtre populaire. Bien que largement accessible, et franchement comique, l’on nage nettement dans l’originalité, depuis le thème qui feigne la légèreté jusqu’à la mise en scène interpellant les cinq sens.
Misant sur l’absurde pour produire des virages narratifs, Ismail Elfallahi réussit à surprendre le public avec des scènes abracadabrantes, telles celle de la bagarre entre la narratrice et le personnage qui, pour une mésentente sur un détail de narration, en arrivent aux mains et finissent au commissariat.
Divers passages hilarants sur le pain rendent compte de l’importance de cet élément dans la société et la profondeur réelle de sa représentation dans la culture marocaine. Alternant récit et texte non narratif, l’auteur de la pièce joue des registres pour accentuer, jusqu’à l’absurde, l’intérêt pour un élément qui, souvent, tombe dans l’indifférence.
L’autre démarche déstabilisante est l’aspect interactif de «La pièce de théâtre». Décidées à ne pas laisser le public se vautrer dans son confort, les comédiennes appellent les spectateurs à voter pour témoigner en faveur de l’une ou de l’autre. Un peu plus loin dans la pièce, elles passent parmi les rangées, micro à la main pour questionner des gens choisis au pif et réagir à leurs réponses, en totale improvisation. Et au final, elles distribuent du pain à tout le public pour apprendre le partage.
«La pièce de théâtre» est définitivement une belle expérience dont on sort rassasié…



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