mardi 10 mars 2020

Ariane de Rothschild: «C’est bien d’investir dans des entreprises, mais l’objectif est aussi de savoir comment nous pouvons améliorer la réalité des pays où nous intervenons et de mesurer nos impacts réels» (Ph. Khalifa)Forte de 170 milliards d’euros d’actifs sous gestion, la banque Edmond de Rothschild est reconnue pour son expertise dans la banque privée et l’Asset management. Mais avant d’être banquier, nous avons été et restons avant tout des investisseurs, et c’est ce qui a fait le succès et la pérennité de la famille, fait remarquer Ariane de Rothschild, présidente du Conseil d’administration du groupe Edmond de Rothschild. Depuis 2012, la banque investit dans les entreprises africaines à travers sa plateforme de capital investissement Amethis. Cette dernière est très active au Maroc où elle est actionnaire dans neuf entreprises. En exclusivité, la baronne s’est confiée à L’Economiste.  - L’Economiste: D’où vient l’intérêt d’Edmond de Rothschild pour le capital investissement en Afrique?- Ariane de Rothschild: J’ai grandi entre l’Amérique latine et l’Afrique, deux continents qui m’ont toujours beaucoup donné. Je me suis toujours dit que si j’avais la possibilité de rendre au  continent africain ce qu’il m’avait apporté, je le ferais. Ma conviction était aussi qu’en Afrique, nouvelle frontière de la croissance mondiale, il était important de prendre un pari sur la classe moyenne. Avec Luc Rigouzzo et Laurent Demey (ndlr: associés gérants de Amethis), nous partagions une même conviction sur la croissance de la classe moyenne et le développement des petites et moyennes entreprises, en particulier familiales. Amethis n’intervient pas dans le secteur des mines ou du pétrole. Nous sommes vraiment focalisés sur l’entreprise familiale de petite et moyenne taille qui fournit des biens et services aux consommateurs africains, à laquelle nous pouvons apporter une contribution capitalistique mais aussi une structuration de la gouvernance.- Quelle valeur ajoutée apportez-vous?- Notre modèle est basé sur des partenariats avec des équipes qui ont une parfaite connaissance du sujet et de la géographie. Il me paraît très difficile d’investir et d’appuyer des entreprises familiales si on n’a pas une très bonne connaissance culturelle de leur réalité et même un lien affectif, surtout en Afrique. Et, ce n’est surtout pas qu’une question de finance. Historiquement, nous sommes une famille d’investisseurs. Tout le monde nous voit à travers le prisme d’une grande banque privée de banquiers. Mais avant de l’être, nous avons été et restons avant tout des investisseurs, et c’est ce qui a fait le succès et la pérennité de la famille. Nous sommes une maison d’investissement de conviction, ce qui se traduit par des choix de projets et de thématiques d’investissement  très ciblées et très engagées. Avec Amethis, qui n’investit que dans des entreprises partageant nos ambitions en matière environnementale et sociale nous établissons annuellement un bilan environnemental, social, économique de nos participations. C’est bien d’investir dans des entreprises, mais l’objectif est aussi de savoir comment nous pouvons améliorer la réalité des pays où nous intervenons et de mesurer nos impacts réels.  - Pourquoi êtes-vous perçu comme une banque et moins comme investisseur?- C’est plus facile pour les gens, ils aiment bien les raccourcis (rires). Rothschild = banquier, ce qui est vrai. Mais un banquier devrait être avant tout un investisseur. J’ai été comme nous tous choquée par certaines dérives du système financier qui ont conduit à la crise de 2008. La crise des subprimes a bien démontré que quand la finance est décorrélée de l’économie réelle elle conduit à des crises majeures. Mais, le système bancaire joue un rôle essentiel dans le financement de l’économie et il ne faut pas tout amalgamer. Moi, j’entends l’exercer comme un investisseur d’abord qui s’engage au côté de ses clients. C’est pour cela que dans tous nos fonds, la banque et notre famille, sont alignés avec nos clients en y investissant en direct aussi.- Il y a beaucoup d’incertitudes autour de l’économie mondiale en ce moment. Sont-elles uniquement liées au coronavirus?- Le virus finira par être contrôlé, il n’y a pas de doute. Mais, il est vrai que tous les moteurs sont en train de s’arrêter aujourd’hui. Au-delà du choc conjoncturel, cela peut conduire à une modification structurelle des circuits de l’économie mondiale qui évolueront vers plus de régionalisme pour éviter la dépendance des chaînes de production à une seule région du monde. Cela me semble un sujet fondamental et nous avons une position forte là-dessus.  Je crois dans un monde global dont je suis issue. Nous pensons que nous allons assister à la création de blocs économiques régionaux très forts en particulier en Asie. La Chine apprend très vite et se réorganise pour devenir un champion régional avec ses pays avoisinants. Une des leçons du coronavirus est que les entreprises se rendent compte qu’elles ont créé des dépendances inter-pays très importantes. En ce qui concerne le Maroc je pense que c’est un pays qui a une grande carte à jouer dans cette évolution. Il a su jusqu’à maintenant avec succès se placer comme un hub économique entre l’Europe et l’Afrique. Il est parfaitement armé pour s’intégrer dans cette évolution mondiale.Propos recueillis par Abashi SHAMAMBA et Franck FAGNON                                                                                     Amethis lève un nouveau fonds pour les PME marocainesLe pôle Capital investissement et non liquide d’Edmond de Rothschild gère un portefeuille de plus de 15 milliards d’euros. Il a une empreinte géographique européenne et africaine. Pour investir dans les entreprises africaines, Edmond de Rothschild s’est associé à Luc Rigouzzo et Laurent Demey, deux anciens de Proparco pour créer Amethis. Ces derniers sont à la tête d’une équipe de 35 professionnels répartis entre Paris, Casablanca, Abidjan, Nairobi et Luxembourg.Depuis sa création en 2012, Amethis a levé 725 millions d’euros et est en phase de lever un fonds «Amethis Maghreb Fund II» de 150 millions d’euros. La moitié sera investie dans des PME marocaines avec des tickets allant de 8 à 10 millions d’euros. Amethis y est déjà très actif avec neuf transactions pour un investissement cumulé de 1 milliard de DH. Mutandis, Separator, WB Africa, Groupe Premium, CFG Bank et Best Health font partie des entreprises encore en portefeuille.Les participations sont issues de secteurs variés. La plateforme d’Edmond de Rothschild cible des opérations dans la Santé et l’Education, deux secteurs jugés stratégiques. Amethis intervient également dans l’accompagnement des entreprises marocaines sur le reste du continent.Aux côtés des bailleurs de fonds traditionnels, la majorité des investisseurs dans les fonds promus par la banque sont des entrepreneurs. Un réseau que la banque peut mettre à disposition des patrons africains. «Là où nous sommes différents grâce à Edmond de Rothschild, c’est notre capacité à apporter le réseau des patrons africains et européens du groupe aux entreprises dans lesquelles nous investissons », relève Luc Rigouzzo.Alors que le potentiel de croissance de l’Afrique a attiré de nombreux fonds internationaux notamment anglo-saxons il y a quelques années, beaucoup n’ont pas tenu sur la distance. «A l’époque, la taille des tickets posait problème parce qu’elle était totalement irréaliste et désalignée avec la réalité économique africaine», relèvent les experts. Pour Johnny El Hachem, CEO Edmond de Rothschild Private Equity le mandat qui leur a été assigné est clair: «monter des stratégies résilientes et réplicables».



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