jeudi 30 juillet 2015

Imad Barrakad, président du directoire de la Smit (Société marocaine d’ingénierie touristique), préfère parler d’une approche de syndication du risque entre le public et le privé. C’est la stratégie d’investissement touristique prônée par la Smit pour réussir le pari de la Vision 2020. Le public qui prend la main et amorce les investissements dans les zones émergentes pour les rendre attractives pour le privé. Cette politique a permis non seulement de développer le produit touristique, mais aussi de pallier la problématique de la crise financière qui impacte le secteur du tourisme ces dernières années.
  - Acteur en quête de financements pour le secteur du tourisme, quelle approche adoptez-vous en ces circonstances peu favorables au secteur?- Imad Barrakad: La Vision 2020 a intégré dès sa conception les difficultés que connaissait déjà le secteur au niveau de l’investissement touristique en 2010. C’est ainsi que la stratégie s’est focalisée dès le départ sur la création de joint-ventures et outils de financement de diverses origines issus de la convergence des acteurs publics (Budget de l’Etat, Fonds Hassan II, etc.) pour permettre d’améliorer l’attractivité des territoires. Durant les quatre dernières années, le plus gros de l’investissement touristique a été porté par les partenariats public-privé avec des acteurs dont le profil et les ressources sont relativement adaptés aux investissements de long terme comme exigé par le tourisme. Cette approche a permis également la syndication du risque entre le public et le privé. La nouveauté est la mise en place de la politique d’amorçage des investissements comme levier du développement du produit touristique pour le rendre attractif aux yeux du privé. Cette approche a ainsi permis de pallier la problématique de la crise financière ayant impacté le secteur ces cinq dernières années.- Quelle place pour le privé dans ce modèle?
- A travers cette stratégie d’amorçage, l’Etat améliore l’attractivité des zones peu prisées par les investisseurs et plus particulièrement les zones émergentes balnéaires pour permettre au privé de jouer pleinement son rôle en complément à l’action volontariste de l’Etat. Un effet levier en quelque sorte mis en place par l’Etat pour accompagner le développement du produit touristique. A charge pour le privé de se constituer en groupement pour parvenir à la construction de produits touristiques, notamment le balnéaire avec une attractivité et une taille critique à même de rayonner à l’international. Je vous rappelle que le privé s’est engagé dans le cadre du contrat-programme national du tourisme à investir (à hauteur de plus de 50 milliards de DH) dans le développement d’une offre touristique pour réussir et répondre aux défis de la V2020.
La Smit a planifié le développement du produit touristique de telle sorte à ce qu’il permette de proposer une expérience touristique multiple, tant en termes d’attractivité que de variété de l’offre au niveau des différents écosystèmes touristiques à créer. Cette approche permet d’améliorer la rentabilité des investissements engagés par le privé et l’éclosion d’écosystèmes touristiques plus performants.- Quid des fonds touristiques de soutien?
- Les 5 fonds existants qui sont de petite taille devraient entrer à mon avis dans une logique de fusion afin d’atteindre une masse critique suffisante, se doter d’un actionnariat composé d’investisseurs alignés en termes d’attentes, et prévoir une sortie des banques commerciales de leur tour de table afin de permettre à ces dernières de se recentrer sur leur rôle de prêteur.- Les banques sont de plus en plus réticentes à financer les projets touristiques. Quelles sont les mesures qui sont prises?
- Nous sommes conscients de la frilosité des banquiers qui d’ailleurs n’est pas spécifique au secteur du tourisme… Néanmoins, durant ces quatre dernières années, les banques ont répondu favorablement à 80% des demandes dont les financements à concéder étaient adaptés au profil des actifs concernés portés par les investisseurs. Pour les zones émergentes, les financements ont concerné essentiellement les actifs hôteliers, touristico-résidentiels, commerciaux et de loisirs selon des quotités allant jusqu’à 60% s’agissant des hôtels. Maintenant, c’est vrai, les banques sont plus regardantes par rapport à la qualité de l’investisseur, sa capacité à porter le projet et à injecter les fonds propres nécessaires, sa stratégie d’exécution du business, et les investisseurs nationaux ont un rôle important à jouer pour rétablir la confiance.
Pour permettre au secteur privé et aux banques de s’investir davantage dans le secteur du tourisme et plus particulièrement dans les stations balnéaires repositionnées, nous sommes en discussion avec le ministère de l’Economie et des Finances pour mettre en place un fonds de garantie qui permettra de partager le risque avec les banques et donc de baisser le niveau de risque auquel sont exposées ces dernières. Cette baisse de risque permettra aux banques une utilisation plus importante de leur fonds propres et donc d’octroyer plus de crédit.
D’autres mécanismes sont également en train d’être mis en place pour améliorer l’attractivité des capitaux privés dans le secteur du tourisme afin d’assurer un développement plus rapide des composantes hôtelières et d’animation en respect de l’intégrité du positionnement touristique projeté.- Mais les entraves à l’investissement ne sont pas que sur le plan du financement. Comment peuvent-elles être levées?
- Bien sûr! Nombre de lacunes persistent comme les délais de mobilisation du foncier qui nuisent à la rentabilité et à l’image. A cela s’ajoute les glissements importants dans les délais d’instruction des projets impactant significativement l’engagement des investisseurs et leur perception du secteur créant un scepticisme pour le financement du secteur. A la Smit, nous avons identifié 5 mesures qui amélioreraient davantage l’attraction des capitaux privéd dans le développement du produit touristique. Parmi elles, la mise en place d’un «one-stop-shop pour le tourisme», la simplification des procédures des incitations liées à l’investissement touristique conventionné, l’amélioration du dispositif incitatif en vigueur pour le développement des produits touristiques, la constitution d’une réserve foncière stratégique….
Propos recueillis par Badra BERRISSOULE



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