mercredi 27 mai 2015

La réforme du transport de voyageurs est-elle reléguée aux calendes grecques? Présentée en fanfare par le gouvernement Benkirane dès les premiers mois de son arrivée au pouvoir, comme levier de lutte contre l’économie de rente, elle reste un effet d’annonce. Des dizaines de rencontres entre la tutelle et les professionnels n’ont finalement abouti à aucun schéma définitif. Pourtant, ce ne sont pas les scénarios qui manquent. Le gouvernement avait proposé une stratégie en cinq axes. Le principe consistait à pousser les opérateurs à se transformer en société, à introduire la formule du cahier des charges, réviser le cadre fiscal et la tarification… De son côté, la CGEM a transmis au ministère de l’Équipement et du transport sa propre vision qui se décline en une période transitoire de cinq ans pour la cession ou le retrait des agréments attribués avant le 1er avril 2015 et la mise en place d’un fonds pour l’indemnisation des rentiers. Deux visions pour un même problème dont aucune n’a été retenue. Actuellement, les professionnels sont désemparés car l’activité est plombée. «Environ 800 agréments font l’objet d’une cession entre les exploitants et les titulaires de ces autorisations, mais toutes les transactions sont refusées par la Commission des transports», explique un transporteur membre de la CGEM. L’autre problème qui se pose maintenant, c’est que l’on ne fait plus le distinguo entre les types d’agréments. Il y a les autorisations qui avaient été achetées, pendant le protectorat jusqu’à la promulgation du dahir de 1963 et qui peuvent être librement cédées tel un fonds de commerce. La deuxième catégorie est représentée par les agréments attribués dans des conditions opaques après 1963 et qui sont incessibles et interdits de location. Aujourd’hui, le gouvernement réserve le même traitement aux deux catégories. A quoi s’opposent les professionnels. Selon les estimations de la profession, des centaines d’autocars sont immobilisés faute de renouvellement de l’autorisation après l’échéance réglementaire des 7 années. Mais cette situation n’est pas la seule source de blocage. Des opérateurs affirment que plus de 200 litiges autour des agréments sont actuellement instruits par la justice. Par conséquent, le ministère ne peut intervenir.
A chaque sortie, notamment à l’occasion des accidents de circulation mortels, les deux ministres en charge du Transport affirment que la réforme est en marche en évoquant la prime de renouvellement des autocars. Un cadeau dont les professionnels veulent bien se passer. Le nœud du problème reste toujours le sort à réserver aux agréments. Un dossier qui exige surtout du courage politique.

Plus du tiers des déplacements de personnes

Le transport via l’autocar représente 35% des déplacements de personnes. Une part de marché qui a été lourdement impactée par le train et l’introduction de nouveaux modes de transport illégaux dans les liaisons interurbaines: le taxi et l’autobus. Sur les 3.495 agréments attribués, 1.202 ne sont pas exploités. Certains ont été délaissés parce qu’ils représentent des lignes non rentables. D’autres encore font l’objet de litige entre titulaires et exploitants. La loi oblige les attributaires d’autorisations à exercer eux-mêmes et interdit la location. Pourtant, cette formule est adoptée dans 70% des cas. Le secteur du transport est représenté par 1.480 entreprises, employant 15.000 salariés.

Le contrat-programme enterré?

A l’évidence, le gouvernement qui avait fait de la lutte contre l’économie de rente son cheval de bataille a sous-estimé l’ampleur du problème. Après avoir publié en 2012 la liste des titulaires des agréments, décision dénoncée par les sociétés transparentes car elle sème l’amalgame dans les esprits, l’on s’attendait à un plan d’action concret. Trois ans plus tard, la situation n’a pas changé. En découvrant la complexité du secteur, le gouvernement fait marche arrière. Joue-t-il le temps de quelques mois avant les élections? En tout cas, le dossier de la réforme a été retiré aussi bien à Rabbah qu’à Boulif puisqu’il est actuellement chez le chef du gouvernement. Pourtant, dans une interview accordée à L’Économiste en décembre dernier, le ministre délégué avait bien accordé aux professionnels l’ultimatum du 31 décembre avant d’enclencher la réforme. Celle-ci devait se traduire par un contrat-programme qui n’a toujours pas vu le jour alors que sa signature avait été annoncée pour le 17 décembre et reportée à plusieurs reprises.

Hassan EL ARIF



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