lundi 29 juin 2015

De victimes, les deux jeunes filles d’Inezgane se sont retrouvées accusées d’ «atteinte aux mœurs». L’avocat chargé de leur défense donne sa version.- L’Economiste: Comment une simple ballade dans un souk hebdomadaire peut se transformer en une «affaire de mœurs»?
- Houcine Bekkar Sbai: Normalement, tout citoyen marocain a le droit de se déplacer d’un endroit à un autre sans aucune difficulté… Dans l’affaire qui nous intéresse, les deux jeunes filles ont pris le départ du quartier Al Qods à Agadir en direction d’Inezgane. Et personne ne les a interpellées sur leur façon de s’habiller, ni dans leur quartier, ni durant le reste du parcours. Il a fallu qu’elles arrivent dans le souk d’Inezgane pour être victimes de harcèlement sexuel. Devant leur refus d’adhérer, une horde déchaînée les a encerclées et s’est mise à crier à l’attentat à la pudeur. Les deux jeunes femmes se sont donc réfugiées dans la boutique d’un commerçant en attendant l’arrivée de la police, censée les délivrer de la foule. Or, quelle ne fût leur surprise quand elles se sont vues contraintes de passer la nuit au commissariat, sur ordre du procureur du Roi!
De victimes, elles se retrouvent accusées d’«atteinte aux mœurs», alors qu’elles n’ont aucun antécédent judiciaire et ne présentent aucun danger pour l’ordre public.- Comment expliquez-vous la rapidité avec laquelle cette affaire a été traitée sachant qu’aucun des agresseurs n’a été interpellé?
- Le problème est que cette affaire a été mal gérée dès le départ étant donné que l’enquête préliminaire n’a pas été bien fondée. L’officier de police devait entendre les deux jeunes filles de même que les marchands ambulants impliqués. L’objectif étant d’éclaircir l’affaire pour savoir si le fond du problème est vraiment la tenue vestimentaire ou bien un besoin inassouvi de la part de ces hommes. Or, rien de cela n’a été fait car le PV de police n’a pas respecté la procédure et le procureur du Roi a ordonné la garde à vue en se basant sur l’article 483 du code pénal marocain.-  Quid de cet article, à l’origine de cette poursuite judiciaire?
- Cet article date des années 60, sachant qu’à cette époque, les femmes étaient libres de mettre des jupes. Il est applicable jusqu’à aujourd’hui, toutefois, il ne décrit pas avec précision le code vestimentaire interdit par la loi. Qu’est-ce qu’on entend par «atteinte» et par «nudité»? C’est le flou total, c’est pourquoi cet article constitue un danger pour les libertés individuelles et impose des restrictions  sur l’espace public. Il donne ainsi la légitimité à chaque personne de faire la loi à la place de la justice. C’est pourquoi il devrait être radicalement repris d’autant plus que nous sommes en pleine révision des dispositions du code pénal marocain. La société marocaine a connu un développement et réalisé des acquis concernant la Constitution, les droits de l’homme, le droit à la différence et le droit à la liberté personnelle. Nous devons continuer cette marche en avant en gardant à l’esprit que la femme est l’égale de l’homme.- L’affaire d’Inezgane et celle de la pancarte «No bikinis» ont déjà fait plusieurs fois le tour du monde… Quel message le reste du monde va retenir quant à la situation des libertés individuelles au Maroc?
- Ces incidents ne doivent pas faire oublier que le Maroc a choisi le chemin de la démocratie et du développement. Il a aussi choisi de défendre les libertés personnelles et les droits de l’homme. Il a été le seul pays islamique et arabe à accueillir le 2e forum international des droits de l’homme et a signé des conventions internationales pour le respect des libertés individuelles et collectives. C’est un pays musulman oui, mais qui prône un islam tolérant. C’est ça le message que le reste du monde doit retenir, car le Maroc a choisi l’ouverture sur le monde et sur la démocratie.
Propos recueillis par Fatiha NAKHLI
 



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