jeudi 25 juin 2015

La polémique autour de l’avortement ne cessera pas de si tôt. L’interminable débat, entre les conservateurs et les défenseurs des droits de la femme, a été vivifié par la nouvelle réforme annoncée par le Souverain mi-mai 2015. Un avant projet de loi lui a été présenté par le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), le ministère des Habous et des affaires religieuses, et celui de la Justice et des Libertés. La mouture ne légalise l’avortement que dans 3 cas dits de «force majeure»: le viol,  l’inceste, et les graves malformations fœtales.
Mettre l’avortement sous conditions soulève la protestation du réseau ANARUZ du centre d’écoute pour femmes victimes de violence. Sa coordinatrice, Saida Drissi, estime que «le corps de la femme marocaine est hypothéqué! Il est sous tutelle de la loi et de la société. Le choix de maternité doit revenir au final à la femme». Qu’en est-il alors du droit à la paternité que pourrait revendiquer son conjoint ou son compagnon?
ANARUZ exige en tout cas «la levée de la tutelle sur le corps de la femme qui doit décider librement» de sa vie. En second lieu, «la dépénalisation de l’avortement médical, avec parallèlement la criminalisation de l’avortement forcé et clandestin». Puis finalement, «l’introduction de l’interruption volontaire de la grossesse (IVG) et l’avortement médical dans le code de la santé publique».  
De son côté, l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM) appelle le législateur à considérer l’état de santé de la mère tel que défini par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1946 à savoir «un état complet de bien-être physique, mental et social». L’ADFM réclame aussi la mise en place de politiques publiques de préventions et de sensibilisations. Le but est de «généraliser l’accès aux moyens contraceptifs,  indépendamment du statut matrimonial». La création des programmes d’éducation sexuelle au sein d’établissements scolaires est également revendiquée.
Sur le terrain, les rares chiffres disponibles laissent entrevoir une réalité effrayante.
Bien qu’aucune étude officielle n’ait été faite, l’Association marocaine pour la lutte contre  l’avortement clandestin (AMLAC) estime entre 800 et 1.000 le nombre d’avortements par jour. Sans compter ceux pratiqués de manière non médicale (voir aussi l’enquête exclusive de L’Economiste du 27 juillet 2012).
L’avortement soulève un autre problème de taille. «Le fait d’obliger une femme à maintenir une grossesse indésirable favorise l’accroissement des bébés abandonnés», selon la porte-parole du réseau ANARUZ. Sans oublier «le préjudice moral que subissent la mère et l’enfant au sein d’une société qui les juge et les rejette».
L’association INSAF qui lutte contre l’exclusion des mères célibataires et l’abandon des enfants estime à 24 le nombre des bébés abandonnés par jour. Son étude réalisée entre avril et décembre 2010 est la seule connue à ce jour. Où vont les nouveau-nés abandonnés? Ne sont-ils pas pris en charge?  Ils tombent dans les filets des marchands qui les revendent dans les meilleurs des cas à des couples infertiles.

Que dit la loi?

L’avortement est intégré dans le chapitre (6e) «des crimes et délits contre l’ordre des familles et la moralité publique». Et ceci au même titre que «l’exposition et le délaissement des enfants et des incapables» ou encore «des crimes et délits tendant à empêcher l’identification de l’enfant».. L’avortement est donc incriminé via les articles 449 à 458 du code pénal. Le principe est que toute personne ayant procuré aliments, breuvages, médicaments (..) à une femme enceinte est punie d’un an à 5 ans de prison. Le législateur pénalise même les cas où la femme est «supposée enceinte» et qu’elle ait donné «son consentement ou pas». L’article, 449 toujours, prévoit une aggravation de la peine (de 10 à 20 ans) lorsqu’il y a décès de la femme ayant avorté.
Quant à la femme qui décide «intentionnellement» de se faire avorter ou «qui a tenté de le faire», elle est punie de 6 mois à 2 ans de prison et d’une amende de 200 à 500 DH.   
Professionnels et étudiants de la médecine, pharmaciens, dentistes, sages-femmes (..) qui «ont indiqué, favorisé ou pratiqué» les moyens de procurer l’avortement sont interdits d’exercice. De manière temporaire ou définitive. Cette sanction s’ajoute à l’emprisonnement.

Y. G. & F. F.



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